VERDON

Départ en transhumance

20 juin 2012 : c'est le départ en transhumance pour le troupeau de Marie Chantal et Francis Girard, éleveurs à Bounas, sur la commune de Bauduen dans le Haut Var, et ce sont quelques 500 brebis qui prennent leurs quartiers d'été dans les Alpes de Haute Provence. Une transhumance à pied, sur une dizaine de jours, qui les conduira jusqu'au village de Vars. "Les brebis sont des animaux marcheurs, qui supportent mieux le changement de climat et d'altitude s'il se fait de manière progressive..." souligne Francis.

DERNIERS PREPARATIFS

Cette année, dans le cadre du Festival Mondial de la Terre, de nombreux participants à cet évènement sont au rendez-vous, à l'entrée de la piste des Gorgues.

 

Les moutons, parmi lesquels se sont glissées quelques chèvres, ont été parqués là, tondus et marqués. "Car là-haut, plusieurs troupeaux seront mêlés, et un autre éleveur prendra le relais à la mi-saison". Deux ânes les accompagnent, des ânes de Provence, à la robe gris-beige, le dos barré d'un trait noir. Ce sont des bêtes robustes, habituées aux terrains accidentés, et aptes à porter de lourds fardeaux.

"Quand Francis sera en estive", explique un habitué de la transhumance, "il les utilisera de temps en temps pour aller au ravitaillement au village". Les patous sont affalés sous les buissons à l'abri du soleil, en cette fin d'après-midi encore chaude, et les enfants, curieux et séduits par leurs bonnes têtes rondes, s'approchent.

 

 

"Ne les caressez pas", intervient gentiment une accompagnatrice. "Pour être de bons gardiens de troupeau, ils doivent avoir une certaine méfiance à l'égard des inconnus, envers qui, à l'occasion, ils peuvent devenir agressifs. Il ne faut donc pas être trop familier avec eux".

Petit à petit, les participants arrivent. Les aides berger se débarrassent de leurs baluchons qui viennent s'entasser dans le camion qui les accompagnera tout au long de leur périple, avec une bonne réserve de nourriture.

LA PISTE DES GORGUES

21h. C'est l'heure du départ. Marie Chantal et Francis donnent les dernières consignes de sécurité : "ne pas pousser les brebis, ne pas les effrayer... Elles sont naturellement très peureuses, et s'éparpilleraient facilement aux alentours..." Et après un joyeux "hip hip hip hourra ! " pour les bergers, le parc est rapidement démonté, et le troupeau s'engage sur la piste. La piste de Gorgues est un sentier rocailleux qui descend régulièrement pour rejoindre le GR99 au bord du lac de Sainte Croix. "Les haltes s'effectuent souvent au bord de l'eau, et une douche est prévue à mi-parcours". Un parcours de 200 kilomètres, où les étapes sont fixées à l'avance, toujours les mêmes depuis plusieurs années. "Les pauses sont plus ou moins longues, ce sont les bêtes qui décident. Si l'herbe est abondante, on s'attarde un peu". Est-ce la douceur estivale de cette soirée qui les pousse à la romance, ou l'ambiance festive du départ en vacances ? Une brebis et un bélier ont déjà ralenti la marche, se laissant distancer par le troupeau. Ils se frôlent, se laissent aller l'un contre l'autre...  "Elles reviennent toujours dans le droit chemin. Il ne faut pas oublier que se sont des animaux grégaires, qui retrouvent aisément leurs congénères au son des cloches. En estive, par contre, il arrive qu'on en perde". Ici, au moins, pas de problème de cohabitation avec la civilisation. "Sur la route, des véhicules avec gyrophares ouvrent et ferment la marche. Le pire, ce sont les villages fleuris. Quand il y a des géraniums, il est difficile d'empêcher les bêtes de les manger, elles les adorent ! Et les chèvres ne diraient pas non à un petit tour dans les jardins... Il faut être très vigilants, car s'il y a des dégâts, le troupeau sera interdit de passage l'année suivante".

Très rapidement, nous apercevons le lac, tache claire étalée dans la nuit tombante. Quelques lampes électriques s'allument, on découvre les lumières du village des Salles sur Verdon. La première étape touche à sa fin, quand on s'aperçoit que les ânes ont disparu... Pas bien loin, on devine leurs silhouettes fantomatiques dans les sous-bois. "Accompagner la transhumance est toujours une aventure. Cette année, dix personnes font le trajet, c'est un maximum. Personnellement, je l'ai suivie au retour, en octobre. Une époque où il commence à faire sérieusement froid en montagne !"

Nous avons rejoint la piste du GR, et malgré la nuit, les moutons sont vite parqués à la lueur des lanternes. Les accompagnateurs d'un soir remontent dans leurs voitures garées là auparavant, tandis qu'autour du campement, les conversations vont bon train. Pour peu de temps. Quelques lampes errent encore çà et là, puis plus rien. Juste le tintement des cloches, des bêlements, le coassement des grenouilles et, nous semble-t-il, quelques grognements de sangliers. Sous un ciel inondé d'étoiles.

Marie Chantal et Francis Girard vivent au hameau de Bounas, où se trouvent aussi d'autres éleveurs. Ils vendent leurs produits par l'intermédiaire d'Associations pour le Maintien d'une Agriculture Paysanne. Début 2009, une douzaine d'éleveurs s'associent pour acquérir chacun une part de la SARL  Atelier d'Abattage et de Découpe du Pays Dignois qu'ils ont créée pour sauvegarder l'abattoire de Digne...

L'appel à la participation au départ de la transhumance a été lancé sur le site Colibris83Dracénie


LA TRANSHUMANCE DANS LES ANNEES 50 : LE JARDIN PARFAIT ET AUTRES CONTES DES BERGERS PROVENCAUX, de Michaël de Larrabeiti

Michael de Larrabeiti  photo Eric Renoult
Michael de Larrabeiti photo Eric Renoult

 

Né à Londres en 1934, Michael de Larrabeiti fait ses études à Dublin, Oxford et Paris. Des études entrecoupées par l'exercice de différentes activités comme projectionniste, cameraman, guide touristique, photographe, professeur d'anglais à Casablanca ... Puis il devient pigiste pour le "Sunday Times" dont il alimente la rubrique "Voyage" au cours de ses multiples pérégrinations, et écrivain à plein temps avec plusieurs ouvrages, dont le plus célèbre est la "trilogie des Zorribles". Il meurt en avril 2008.

 

Durant la période où il est guide dans le sud de la France, Michael de Larrabeiti part en transhumance avec les bergers, de Cogolin dans le Var, jusqu'à Thorane dans les Alpes de Haute Provence. Nous sommes en 1959, et la migration des  troupeaux d'ovins vers les estives se déroule traditionnellement à pied. Une aventure extraordinaire au coeur de la Provence, qu'il raconte dans "Le jardin parfait et autres contes des bergers provençaux". Après chaque étape, vient un conte, un de ces contes merveilleux, que les bergers narrent à la veillée. Un récit entre magie et réalité, dans lequel l'auteur nous fait partager son amour du pays.

"La Provence (...)était une vaste terre vide, faite de sommets solitaires et de plateaux balayés par les vents. Ni France, ni Espagne, c'était une terre de contrastes. Forêts fraîches et collines désolées qui brûlaient au soleil, plaines asséchées et profonds torrents - un pays cruel.

Mais c'était aussi un pays magique. Il y avait des Sarrasins dans les bois et des châteaux sur les montagnes. Il y avait des villages abandonnés où les fantômes de douces et belles dames écoutaient encore les chansons des troubadours. Il y avait des évêques et des sorciers, à jamais en quête de puissance et de bonheur. Et, par-dessus tout, il y avait la langue -ce provençal qui ressemblait tant à un chant". (M. de Larrabeiti, extrait de l'introduction de son ouvrage "Le jardin parfait et autres contes des bergers provençaux chez Actes Sud)

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