HAUT VAR

Draguignan

6ème Festival de la Terre 2014 avec PIERRE RABHI

LA NATURE, C'EST NOUS

complexe St Exupéry  15 mai 2014
complexe St Exupéry 15 mai 2014

Le 6ème Festival de la Terre s'est ouvert le 15 mai 2014 à Draguignan avec "la rencontre de trois continents : l'Europe, l'Afrique et l'Amérique du Nord", comme l'a souligné Michel Berthelot, président de l'association "Colibris 83" et l'un des organisateurs de cette manifestation. Leurs représentants : Pierre Rabhi, Kenny Matampash et James Robideau, accompagnés de Catherine Kieffer de l'association Ethno Savannah, ont rappelé d'une seule voix au cours de cette soirée, que l'être humain ne peut être dissocié de la Nature, car la Nature, c'est NOUS. Un véritable plaidoyer pour le vivant devant une salle archi-comble.

RESPECTER LA TERRE-MERE, RESPECTER LA NATURE, SE RESPECTER SOI-MEME

Pierre Kenny Catherine James et Yannick Lanza interprète
Pierre Kenny Catherine James et Yannick Lanza interprète

Pierre, Kenny et James : trois hommes d'horizons très différents, mais ayant une même vision du monde, un monde où la VIE est au coeur des préoccupations, impliquant un autre comportement que celui proposé (imposé ?) par nos sociétés actuelles.

"Les peuples premiers ne font pas la scission dans laquelle nous sommes : d'un côté le nature, de l'autre la culture", a expliqué Catherine. "La Nature, nous la portons en nous, nous en sommes un élément. Nous faisons tous partie du vivant".

Porte-parole du peuple Maasaï, Kenny Matampash l'a décrit comme "un peuple connecté à la Nature, très pauvre à l'extérieur, mais très riche à l'intérieur... Notre spiritualité nous vient de la Nature..."

Retour au sacré avec James Robideau, qui vit dans la Réserve de Pine Bridge dans le Dakota du sud. Co-fondateur de l'American Indian Mouvement, il dirige des huttes de purification, et des Enseignements Traditionnels. "Il faut prendre soin de ce que nous laissons entrer dans notre corps, par l'esprit, les yeux, les oreilles... de ce que nous mangeons...Vous êtes tous des êtres sacrés sur cette Terre-Mère, et vous devez apprendre à vivre ainsi".

PIERRE RABHI  UNE PART DE MYSTERE

Né en 1938 dans le sud de l'Algérie, Pierre Rabhi est confié à 5 ans, après la mort de sa mère, à un couple de français venus travailler en Afrique du Nord.  En 1960, il part pour Paris, et très vite, s'installe en Ardèche.

Reconnu aujourd'hui expert international pour la Sécurité Alimentaire, il est l'initiateur du Mouvement pour la Terre et l'Humanisme (colibris).

Philosophe, auteur de nombreux ouvrages, conférencier, il nous invite à une "sobriété heureuse".

Silhouette menue, il semble ce soir échappé de son jardin pour une veillée printanière au complexe Saint Exupéry de Draguignan, où le public se presse, debout, assis par terre, et massé dehors aux portes largement ouvertes...

"Je fais partie de deux cultures, l'islam et le christianisme, et j'ai été influencé très jeune par cette dualité". Ouvrier agricole, il s'insurge contre "l'empoisonnement de la terre, cette logique qui, pour produire, doit détruire". Et il découvre "les méthodes qui respectent la vie... La vie qui a installé un système clos sur lui-même, mais pérenne... Tout déchet que la nature crée rentre dans le cycle de la vie. Cet ordre-là suggère Intelligence". Nous ne pouvons tout expliquer. Quoi de plus extraordinaire qu'un grain de blé ? "Je sais expliquer COMMENT le faire pousser, mais je ne peux dire POURQUOI il pousse... C'est un mystère qu'une certaine science positiviste réfute totalement ; nous nous refusons à intégrer comme savoir ce que nous ne pouvons expliquer. Sans admettre les mystères, nous restons cramponnés à ce que nous pouvons démontrer". Ainsi "notre pensée n'explore que le monde qui est à sa mesure".

L'ERE DU PETROLITHIQUE

Constatant l'état de notre planète, Pierre Rabhi se dit préoccupé par l'avenir de l'humanité. Dans ce monde où triomphe la technologie, nous sommes déconnectés du caractère sacré de la vie. "L'humanité, très sûre d'elle-même, très vaniteuse de sa création jusqu'à maintenant, est aujourd'hui en pleine déconvenue. L'être humain a rompu avec tout ce qui a précédé, et nous sommes entrés dans ce que j'appelle "le pétrolithique". L'énergie combustible, exhumée du sous-sol, domine notre destin. Sans elle, tout s'arrête. "Tout ce qui est relié à la vie peut perdurer. La Nature peut se passer de nous. Si 24 heures représentaient la vie de notre planète, l'être humain serait arrivé depuis 2 minutes..." Et "...nous sommes entrés dans la phase où l'être humain, se considérant comme extrêmement important et puissant, a pensé qu'il pouvait se passer de la Nature, de tous les fondements de la vie, oubliant qu'il est la vie lui-même."                                    

JARDINER  UN ACTE DE RESISTANCE

Epuisement des ressources, utilisation de poisons en agriculture, pollution de l'air, de l'eau, disparition des abeilles... "Nous nous comportons à l'égard de la planète comme si elle était infinie, et ses ressources illimitées..." On dit toujours que la famine est dûe à la surpopulation. "Si elle ne se résout pas, ce n'est pas par manque de ressources ou de générosité de la nature... " Mais "l'alimentation est représentée par un système qui subordonne l'humanité à son diktat, et 60% des variétés de graines collectées par l'homme depuis l'origine de l'agriculture (soit 10 000 à 12 000 ans) ont déjà disparu...et l'on ouvre l'espace aux OGM... Jardiner aujourd'hui est un véritable acte politique, un acte de résistance...

Notre modèle de société agonise. La politique fait une sorte d'acharnement thérapeutique sur un moribond..."

Quant à nous..."nous nous installons dans une conscience manipulée, avec pour mot d'ordre "ne sois jamais satisfait". Le temps est venu de prendre conscience de notre inconscience".

MONOCULTURE CULTURELLE

Avec la mondialisation dont les moteurs sont la stimulation et la concurrence internationale, les ressources s'épuisent de plus en plus rapidement. "Pour le Produit National Brut, on détruit les forêts, on écume les mers, on prend l'être humain en otage pour en faire de l'argent". Pour quelle répartition des richesses ? "1/5ème de la population consomme 4/5ème des ressources... 1500 êtres humains sont milliardaires au-delà... Ceux qui gagnent le plus d'argent sont ceux qui le placent et ne font rien... Le déséquilibre est tel qu'il ne faut pas s'étonner de la violence...L'organisation sociale ordinaire est confisquée".

Pierre Rabhi évoque la vie des populations au 16ème ou 17ème siècle : "les peuples représentaient une mosaïque d'autonomies, qui avaient trouvé au cours du temps une harmonie collective - ce qui ne veut pas dire le paradis...

Mais aujourd'hui, nous sommes tombés dans la monoculture culturelle. Toutes les valeurs sont forgées selon des principes définis, et même l'enfant, dès l'école, entre dans un système de compétitivité". Si bien que "beaucoup d'enfants sont plus dans la peur d'échouer, que dans l'enthousiasme d'apprendre".

UN SCENARIO A REVISER DE FOND EN COMBLE

En 2002, Pierre Rabhi pressé par certains de se présenter aux élections présidentielles, réfléchit que mieux vaudrait " profiter de cette échéance nationale importante pour instaurer un débat citoyen. "Il y a dans la société civile des gens qui cherchent...qui créent...énormément d'innovations concordant à ce qui serait nécessaire pour demain. Je travaille actuellement sur "De la puissance de la modération". Il faut remettre les choses à l'échelle de nos véritables besoins, car nous sommes dans une société de gaspillage monstrueux. 30% à 40% des productions humaines des pays riches ne sont que du rebut".

L'authentique révolution ? "Construire une communauté humaine capable d'assurer par elle-même sa survie biologique, extrêmement fragile dans le monde dit évolué". Détérioration des terres, pollution des eaux, confiscation des semences, anéantissement des abeilles, disparition des paysans... "Il y a des exploitants agricoles ou des industriels de la terre, mais même pour eux, sans subventions agricoles, que se passerait-il ? Ils s'appauvrissent, enrichissent les banques, les marchands de matériaux, d'engrais...

Nous sommes dans un scénario qu'il faut réviser de fond en comble". La question est "comment reconstruire une autonomie pour aboutir à la liberté ? avec une problématique fondamentale : quelle vision avons-nous du monde, et de la nature ? "

 

Pierre Rabhi est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont "La sobriété heureuse"

 

"Pierre Rabhi est un précurseur en matière d'agroécologie et de ce qu'on nomme aujourd'hui la décroissance. Tandis que beaucoup ont attendu les retombées économiques et écologiques des Trente glorieuses pour prendre conscience des effets désastreux de la modernité, Pierre Rabhi choisit la sobriété et le retour à la terre dès la fin des années 50.
Avec sa femme Michèle, il investit dans une fermette ardéchoise sans confort moderne et travaille à une vie simple et paisible." (estrella-oscura)

Une autre vision du monde, pourquoi pas dès l'école ? La fille de Pierre, Sophie, dirige une école l'instruction est basée sur la"méthode pédagogique Montessori".

COLIBRIS 83 DRACENIE

 

Cette manifestation était organisée par l'ADSECA (Association de Défense des Sites et de l'Environnement de la Commune d'Aups), l'ASPE (Association Sillanaise pour la Défense de l'Environnement), le PNR du Verdon et Colibris 83 Dracénie. "Le premier Colibris local en France, né en 2008, précise Michel Berthelot, son président. Mouvement pour la Terre et l'Humanisme, il soutient les AMAP (Associations pour le Maintien d'une Agriculture Paysanne) - la 2ème AMAP de France a été créée en avril 2001 au Flayosquet-, ainsi que les Jardins Partagés. Très actif, Colibris participe à de nombreuses manifestations sur la région, tout particulièrement en cette saison du Festival de la Terre.