CULTURE BIO

Le potager bio un écosystème équilibré

photo www.auradeco.com/jardin
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Sans pesticide ni engrais chimique de synthèse, le potager biologique s'inscrit dans un  écosystème le plus équilibré possible pour créer une biodiversité favorable à un jardin en bonne santé. "Nourrir le sol est la base de la culture bio, et fleurs et animaux sauvages sont nos alliés", ont expliqué Sophie (Agribiovar) et André (Partager la terre), lors d'une conférence à Sillans.

LE SOL L'ELEMENT FONDAMENTAL

 

 

UNE PLANTE, COMMENT CA POUSSE ?

 

"80% de la vie terrestre", a rappelé André, "se déroule à l'intérieur du sol, qui se compose d'un tiers d'air, un tiers d'eau et un tiers de matières minérales et organiques". A tous les niveaux du sol se trouvent des organismes vivants de taille plus ou moins importante, des lombrics et cloportes, aux bactéries et champignons. Ils dégradent les déchets animaux et végétaux jusqu'à les rendre assimilables par les plantes.

"Déjà, quand une graine commence à germer, le sol est ensemencé par des bactéries et champignons qui transforment les sucres en acides aminés. En surface, la croissance des feuilles et la photosynthèse qui en résulte, permettent le développement de la plante. La sève brute qui monte dans le feuillage se transforme en sève élaborée qui redescend (à 50-80%) dans les racines, pour nourrir la flore environnante". De plus, des champignons spécifiques, les mycorhizes, se développent sur les racines. Ils vivent en symbiose avec la plante en élaborant un réseau de mycelium connecté aux radicelles. "Cela permet de récupérer des élements nutritifs à grande distance, soit quelques centimètres, par rapport à quelques millimètres pour les radicelles. Un gramme de terre peut contenir de 100 m à 1 km de filaments de ces champignons microscopiques".

photsynthèse capture d'écran
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les vers de terre capture d'écran
les vers de terre capture d'écran

Les vers de terre épigés vivent à la surface du sol, et les endogés sont en permanence dans le sol. "Les anéciques sont les plus importants", souligne André. "Ils vivent dans des galeries verticales, et font des allées et venues à l'intérieur de la terre. Ils absorbent des détritus organiques mêlés à la terre, et déposent leurs excréments à la surface du sol, sous forme de "tortillons". Le plus grand de la faune française demeure dans les Pyrénées, et mesure 1,20m. En Normandie, région particulièrement riche, on trouve environ 2 tonnes de vers à l'hectare. Ils remuent 1250 tonnes de terre par an".

ADAPTER LES PRATIQUES DE JARDINAGE AU SOL

On reconnait différents types de sol selon leur texture, issue de la dégradation de la roche-mère, plus ou moins fine ou grossière. "On peut repérer le type de sol de son jardin au simple toucher" explique Sophie, "en prenant un peu de terre dans la main. Si la terre fait de petits grains et ne salit pas les doigts, il s'agit d'un sol sableux. S'il y a peu de grains et qu'elle salit les doigts, c'est un sol limoneux.Si la terre est très collante, douce, et ne salit pas les doigts, on a affaire à un sol argileux. Le sol est souvent un mélange des 3, mais on constate une dominance".

De ces observations, découlent les pratiques de jardinage. "Les sol sableux, à la porosité élevée, retiennent difficilement l'eau et les éléments nutritifs. Il faut les protéger, les couvrir en hiver pour éviter le lessivage par les pluies, et les pailler en été pour limiter l'évaporation. Il est inutile d'y apporter de grosses quantités de matière organique, car elle n'y est pas retenue. Les sols limoneux présentent souvent une croûte de surface qui les rend imperméables, et que l'on peut réduire par une couverture. Les sols argileux, fréquents dans la région, sont assez lourds. Ils ont une très bonne capacité de réserve qui justifie l'apport d'engrais. Par contre, ils se réchauffent lentement. Ils ont besoin d'être allégés, et leur activité biologique doit être stimulée au printemps".

LA MATIERE ORGANIQUE CLE DE LA FERTILITE DU SOL

La matière organique, ce sont tous les végétaux et animaux vivants, ainsi que tous les végétaux et animaux à tous les stades de leur décomposition, y compris le stade ultime, l'humus.

"Des organismes vivants de plus en plus petits transforment la matière organique en matière minéralisée, à même d'être assimilée par les plantes. La matière organique qui se décompose beaucoup plus lentement forme l'humus, qui ne libère des éléments nutritifs que très progressivement, influençant la structure du sol. Le compost, par exemple, "assouplit" le sol".

En agriculture conventionnelle, les engrais chimiques sont directement assimilables par la plante. Mal retenus par le sol, ils sont en partie lessivés, et polluent l'environnement. En agriculture bio, l'azote est apporté sous forme de matière organique. "Mais si l'apport est trop important", précise Sophie, "il est évident que la pollution est quand même possible".

Cette matière organique est représentée par les engrais, comme le guano, le fumier de volaille, cheval, etc..., riches en éléments fertilisants qui vont nourrir la plante. "Ils seront enfouis dans les premiers centimètres du sol au printemps, avant la mise en culture".

Ce sont aussi les amendements, comme le compost, relativement pauvre en éléments nutritifs, enterré à l'automne, à une quinzaine de centimètres de profondeur.

 

LE COMPOST

 

On peut y mettre tous les déchets de légumes, du thé, du marc de café, des déchets de tonte, des feuilles, de la paille, des brindilles... "Il est intéressant de l'équilibrer en azote et en carbone, en alternant le "vert" (déchets de légumes) et le "brun" (brindilles, feuilles...). Il faut que l'air y circule, et qu'une humidité constante y soit conservée. Au besoin, grâce à un brassage périodique et des arrosages. Tout en veillant à ne pas perturber la montée en température, indispensable..." Un compost jeune (2 à 3 mois) peut être utilisé comme fertilisant. Un compost mûr (6 à 9 mois voire un an) est utilisé comme amendement.

LES ENGRAIS VERTS

Autre façon de nourrir le sol : les engrais verts, avec la culture de plantes qui sont ensuite restituées au sol. Ces cultures ont en outre l'avantage de couvrir le sol en hiver, d'améliorer sa porosité, et d'y entretenir une activité biologique.

Les plantes utilisées peuvent être des légumineuses (pois, trèfle, sainfoin...) qui fixent l'azote de l'air et structurent le sol. Elles ont une croissance lente, comme les graminées (seigle, sorgho...). Les crucifères (colza, moutarde...), à croissance rapide, désinfectent le sol, mais favorisent les ravageurs. La phacélie, qui pousse rapidement et peut devenir envahissante, est très mellifère, attire des insectes auxiliaires, mais aussi des ravageurs.

"Ici, en sol calcaire", dit Sophie "on peut semer en automne un mélange de vesce et de seigle à la volée. On le détruit avant la floraison, et on le laisse sécher quelques jours en surface. Il suffit alors de griffer un peu le sol pour l'enfouir, au moins un mois avant la culture suivante. L'engrais vert peut être aussi la flore spontanée. Et n'oubliez pas que quand vous cueillez vos légumes, vous pouvez laisser leurs racines dans le sol..."

MULCH ET PAILLAGE

"On peut considérer le jardin comme une forêt, autofertile", a encore indiqué André, "avec l'apport de matière organique en surface, grâce au mulch et au paillage".

Le mulch est une couverture permanente, un véritable outil de travail du sol. Il limite l'érosion et l'évaporation, favorise l'infiltration, la répartition lente et homogène des eaux de pluie. C'est un fertilisant qui s'incorpore petit à petit au sol. Un économiseur d'eau : l'humus retient jusqu'à 5 fois son volume d'eau, et il étouffe les adventices... "On peut utiliser le Bois Raméal Fragmenté, qui entretient une faune de sol variée et active, retient l'eau et favorise les mycorhizes. Pour obtenir un bon équilibre carbone-azote, on l'associe à une légumineuse ou au fumier, car la décomposition du BRF mobilise une quantité d'azote non négligeable".

Le paillage peut se faire avec de la paille, des herbes sèches, des feuilles, du BRF, des écorces de pin, du carton... "Il protège le sol et les cultures. Il n'est pas censé évoluer, mais si on le laisse en place, il peut devenir du mulch. Enfin, par forte canicule, on peut ombrer son jardin. Une plante n'a besoin que de 6 heures d'ensoleillement par jour".

ROTATION DES CULTURES ET ASSOCIATION DES PLANTES

Il est bon d'alterner différentes cultures sur une même parcelle, pour maintenir la fertilité du sol, et rompre le cycle des maladies et des ravageurs souvent inféodés à un même type de plantes.

"Faire explorer le sol par des espèces successives va faire varier la microflore autour des racines, et enrichir la biodiversité. Les légumes ont tous des besoins différents, certains ont des cycles longs, d'autres des cycles courts. En début de rotation, mieux vaut privilégier les légumes les plus gourmands en éléments organiques, comme la tomate, l'aubergine ou la pomme de terre.

L'association des plantes a également un rôle bénéfique, pour éloigner certains ravageurs, ou favoriser les pollinisateurs".

MALADIES ET RAVAGEURS

PREVENIR PLUTOT QUE GUERIR

 

Peu de traitements curatifs en agriculture bio qui préconise la prévention, avec la mise en place d'un écosystème le plus équilibré possible, et en sachant que l'on n'intervient qu'au-delà d'un certain seuil de tolérance.

Les principes de base : respecter la vie du sol et le couvrir, gérer la fertilisation, pratiquer la rotation des cultures et l'association des plantes. Planter haies, bosquets et bandes fleuries pour favoriser les auxiliaires. Acclimater les variétés, échanger avec les voisins... Renforcer les défenses naturelles à l'aide de décoction de prêle ou de purin d'ortie.

En 1963, M.Grelin invente la grelinette qui permet d'aérer la terre sans perturber la microfaune qui l'habite. Elle est aussitôt adoptée par les cultivateurs bio.

Parmi les auxiliaires


La coccinelle, adulte ou à l'état de larve s'attaque aux pucerons. Elle les mord et leur injecte un mélange de salive et de suc digestif. Ainsi prédigérés, les pucerons sont ensuite aspirés.

Le syrphe ressemble à une petite guêpe, mais c'est en réalité une mouche, et il ne pique pas. Il a 2 ailes seulement et des antennes courtes. Il pollinise les fleurs, et ses larves mangent les pucerons.


La petite punaise verte macrolophus permet de lutter contre tutta absoluta, une teigne qui s'attaque à la tomate.

L'ophidius colemani détruit les pucerons en pondant ses oeufs dans son abdomen où les larves se développent.

La chrysopte, aussi appelée "demoiselle aux yeux verts" est un insecte crépusculaire et nocturne. Ses larves détruisent pucerons, araignées rouges, jeunes chenilles...

La présence de certaines plantes dans le jardin est aussi salutaire :

l'inule visqueuse combat les mouches de l'olivier et du cerisier

le souci éloigne de nombreux ravageurs comme le ver de la tomate ou le doryphore

la bourrache attire les pollinisateurs...

Parmi les ravageurs, citons encore :

Le ver "fil de fer", larve du taupin, qui s'attaque aux racines et tubercules : salades, fraisiers, carottes, pommes de terre. Ses prédateurs : les musaraignes et les oiseaux. On peut ramasser les larves à la main, ou enfouir des pièges (morceaux de pomme de terre) pour les attirer.

Le doryphore, redoutable prédateur, s'attaque surtout à la pomme de terre, mais aussi à l'aubergine, la tomate et le poivron. On peut le ramasser, détruire ses larves, pulvériser du purin d'ortie.

Deux maladies dues à des champignons peuvent se développer par temps humide. "Le mildiou que l'on peut traiter par le cuivre (bouillie bordelaise), et l'oïdium, traité par le souffre. Ces deux antifongiques sont autorisés en culture biologique, mais à dose règlementée". Dans les deux cas, il faut ôter les parties de plante atteintes".

mildiou tomate photo internet www.gerbeaud.com
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oïdium citrouille photo internet www.gerbeaud.com
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LES PREPARATIONS NATURELLES PURINS ET DECOCTIONS

Purin d'ortie : faire macérer 1 kg de jeunes pousses d'orties hachées dans 10l d'eau de pluie. Remuer le mélange tous les 2 jours. Quand la fermentation est terminée (disparition de la mousse blanche), filtrer. Peut s'utiliser comme engrais ou comme répulsif (avec 1kg d'orties pour 20l d'eau)

Décoction de prêle : laisser macérer 100g de prêle dans 1l d'eau pendant 24h. Puis chauffer, porter à ébullition 20mn. Fltrer. Diluer la préparation 10 fois avant son emploi en pulvérisateur. Fongicide. Renforce les défenses des plantes. Désinfecte et revitalise le sol.

A lire : "Purin d'ortie & Cie"

Le mot de l'éditeur : Cela vous dirait-il de traiter la plupart de vos problèmes au jardin sans employer le moindre produit chimique ? Avec "Purin d'ortie & compagnie, c'est tout à fait possible ! Vous y découvrirez l'art et la manière de préparer de nombreux extraits végétaux, celui d'ortie bien sûr, mais également ceux de 25 autres plantes indispensables, comme la prêle, la fougère, la consoude, le pissenlit etc. Une véritable trousse de secours pour votre jardin, vos jardinières et vos plantes d'intérieur... A l'expérience des auteurs s'ajoutent les témoignages de spécialistes qui vous livrent leurs propres secrets et tours de main..."

 

Sophie Dragon-Darmuzey d'AGRIBIOVAR (Groupement d'Agriculteurs Bio du département), dont l'action est la sensibilisation et la communication sur l'agriculture bio ; accompagnement des agriculteurs qui passent en bio ; introduction de produits bio dans les cantines du Var ; formation sur le jardinage bio.

 

André Huber, agronome de l'association "Partager la Terre", dont le but est de transmettre des savoir-faire en agro-écologie dans la mouvance de Pierre Rabhi. A travaillé pendant 20 ans dans le domaine de l'eau et de l'environnement. Passionné de jardinage écologique, formé à l'animation en agroécologie auprès de l'association Terre et Humanisme.

 La conférence était organisée par Eric Renoult, président de l'ASPE (Association Sillanaise pour la Protection de l'Environnement. Elle a pour objet l'amélioration du cadre de vie, la protection de la nature et de l'environnement. Elle a été fondée en novembre 1997, par Paulette Attia, à l'origine pour obtenir la fermeture de l'incinérateur des ordures ménagères du SIVOM.