LE VAL D'ARGENS

CORRENS Une image bio

Les bénédictins de Montmajour en filigrane

Correns a son image : celle d'un village provençal typique, avec ses rues en escaliers, ses passages voûtés, ses façades colorées, ses lavoirs et ses fontaines... Mais aussi celle d'un "village bio", le 1er de France ! Avec 95% d'agriculteurs (essentiellement des viticulteurs), pratiquant une culture biologique. Ses monuments et ses moulins nous racontent le temps où le village fut rattaché à l'Abbaye de Montmajour-Les-Arles, sous la dépendance des Bénédictins.

LE REGNE DES BENEDICTINS

Les vestiges les plus anciens de Correns ont été retrouvés dans le quartier de "Sous-Ville", et témoignent de l'occupation du site depuis la préhistoire. Il semble que la colline qui domine l'Argens ait été habitée à l'époque gallo-romaine. "Avant l'an 1000, il n'y a aucune urbanisation", explique Jean-Claude Sadion, président de l'Office du Tourisme, et guide lors des "Journées du Patrimoine". "Au Moyen-Age, quand les grands ordres religieux se multiplient, les Bénédictins de Montmajour s'installent à Correns ; ils règnent alors sur Le Val et toutes les terres alluviales jusqu'à Roquebrune."

FORT GIBRON

Au 12ème siècle, ils font construire au sommet de la colline, un château : Fort Gibron, autour duquel les maisons du village viennent peu à peu s'enrouler en colimaçon. "Les murs, de 2m d'épaisseur, sont en pierre de Correns, ou de Bagarède ; les voûtes en tuf ou travertin ; on reconnait l'art roman provençal. C'est ici que le prieur de Montmajour venait encaisser l'impôt, sous forme de blé, huile, vin..." Achevé vers le 14ème siècle, le fort subit plusieurs remaniements, surtout au 16ème siècle. Aujourd'hui propriété municipale, il est devenu un lieu de vie culturel. "Restauré en 2008, il abrite les activités du "Chantier", un centre de création de nouvelles musiques traditionnelles, qui organise, entre autres, "les Joutes Musicales", un festival annuel de Pentecôte." La salle Soldner, du nom de l'ancien maire qui l'avait acquise, accueille expositions et concerts, ainsi que la salle Montmajour. En haut, sont installés des bureaux. "Le campanile, cette armature en fer forgé supportant la cloche, et qui sert également de "coupe-vent", date du 19ème siècle."

voie pavée sans mortier
la calade montant au château
tuiles autrefois moulées sur les cuisses des femmes
tuiles romanes

La terrasse donne sur la plaine fertile. Au loin, les Bessillons, le petit à deux bosses, et le gros qui se dresse à 843m. "D'en haut, la vue est exceptionnelle sur la Sainte Baume, Sainte Victoire, les Ecrins et la Méditerranée. C'était un lieu de maquis pendant la guerre. On y trouve un poste de vigie pour la surveillance des incendies." On devine aussi l'entrée du vallon Sourn, dont les gorges étroites ont été creusées par l'Argens. "La ripisylve comportait autrefois de nombreux ormes, décimés par la maladie. La rive droite, qui abrite une flore septentrionale, est protégée. La rive gauche est un haut lieu de varappe. Regardez les collines. Certaines montrent bien la catastrophe écologique que représentent les feux de forêt dans le Var : la destruction des arbres entraine la disparition définitive du manteau terreux, et seule la garrigue repousse." Enfin, on a vue sur un enclos-apier ou "mur à miel" : une construction de pierre sèche orientée sud-est pour profiter au maximum du soleil, qui abritait les ruches ; le mur les protégeaient du vent et des prédateurs.

 

 

A l'extrêmité de la terrasse, le"soleilladou" barre l'horizon. "Cet abri servait à sécher les fruits sur des canisses : raisin, figues, noix, amandes... On cultivait dans la région le coton, le lin, le pois chiche, le mûrier..."

EGLISE NOTRE DAME

Construite au 18ème siècle, elle vient remplacer l'église du Prieuré Sainte Marie des Bénédictins. A l'intérieur, l'autel est surmonté d'une Gloire de style baroque. "La chaire, du 19ème siècle, est en métal polychrome. On remarque une statue de la Vierge réalisée en papier mâché, et les vitraux restaurés par J.A. Ducatez de Salernes : le Vierge et l'Enfant, St Joseph à la fleur de lys, St Jean, et St Germain l'Auxerrois bénissant Ste Geneviève de Paris. L'estrade, en chêne, et le chasublier qui sert à ranger les vêtements sacerdotaux, sont l'oeuvre d'un ébéniste de Correns, Gérard Chiarisoli."

porte du Pardon
porte du Pardon

A côté de l'entrée principale de l'église, une porte attire l'attention : la Porte du Pardon. "Il s'agit d'une fête religieuse très ancienne, qui vient de Montmajour. A cette occasion est exposé un reliquaire qui contient un petit morceau de "la vraie croix". Les pénitents qui franchissent la Porte du Pardon pour se confesser et communier, bénéficient des indulgences plénières ; tous leurs péchés sont effacés." La fête du Pardon a lieu tous les 6,5,6, et 11 ans, quand le 3 mai tombe un vendredi. La prochaine aura lieu en 2013, et cela sera un Grand Pardon, 11 ans après le précédent. "Jusqu'au 19ème siècle, cette fête rassemblait environ 50 000 personnes ; on n'en compte plus guère que 500."

 

 

 

 

Des deux grandes portes donnant accès au village, une seule subsiste, celle de St Germain, patron de Correns, qui serait passé au village lors d'un voyage à Rome. Une herse la fermait. Au dessus, les armoiries de Correns : 3 cors de chasse qui sont en réalité bleus sur fond d'argent.

L'EAU ET LES MOULINS

ancien moulin à huile
ancien moulin à huile

Situé dans un méandre de l'Argens qui vient arroser la plaine environnante, Correns est aussi une histoire d'eau. L'Argens, dont certains disent qu'il est à l'origine du nom du village "ses eaux courant ici particulièrement vite", reste un fleuve assez peu abondant. Mais il peut subir des crues importantes, voire spectaculaires. "En novembre 1907, le fleuve est sorti de son lit pour atteindre un niveau de plus de 2 mètres, encore visible sur une maison riveraine." A l'entrée des gorges, en direction de Châteauvert, subsiste encore une écluse pour irriguer les champs, qui daterait des Bénédictins.

presses jumelles
presses jumelles

 

 

 

Dans le village, au bord du fleuve, se dresse un moulin à huile construit en 1924, rénové en 1980 ; il cesse toute activité en 1998. A l'extrémité ouest de ce bâtiment, il reste quelques traces de ruines de l'ancien moulin édifié par les moines de Montmajour. On peut y voir, dans une niche creusée dans le mur, deux presses jumelles "chose assez rare en Provence". ( Patrimoine de France ; service régional de l'inventaire Provence-Alpes-Côte d'Azur )

Près du pont à une arche, qui domine la source et le lavoir de Barquéou où l'on lavait à genoux, on observe une superbe bâtisse. "Elle date du 17ème siècle. Ces deux voûtes permettaient le passage de canaux qui amenaient l'eau pour le fonctionnement du moulin existant."

LES COOPERATIVES

la Fraternelle ancienne coopérative vinicole
la Fraternelle ancienne coopérative vinicole

Au début du 20ème siècle, la crise viticole amène de nombreux agriculteurs au bord de la faillite. La révolte nait dans le Languedoc, et s'étend bientôt au Var. Les coopératives voient le jour, la pemière étant créée par le maire de Camps-La-Source, Marcelin Marin, en mai 1906. A Correns, les viticulteurs se regroupent également pour mieux commercialiser leur production. Deux coopératives sont mises en place en 1920 : la "rouge", La Fraternelle, et la "blanche", L'Amicale". "Il ne s'agit pas de la couleur du vin, mais bien d'orientation politique ; d'ailleurs la "rouge" était plus spécialisée dans le vin blanc, plus représentatif de la région". Entre les deux guerres, les deux coopératives fusionnent, et La Fraternelle est aujourd'hui une salle polyvalente. "On y organise des séances de cinéma, de yoga, des concerts, des expositions, des conférences..." Au milieu de la salle, flotte le drapeau tibétain. "Il y restera tant que ce peuple ne retrouvera pas sa liberté intellectuelle."

L'ERE DU BIO

Correns, qui s'étend sur 3700 ha au nord de Brignoles, compte à ce jour 820 habitants, et fait partie de la Provence Verte qui regroupe 95 000 habitants sur 37 communes. Son originalité, la conversion à l'agriculture biologique en 1997, lui a permis à cette époque de faire face à la crise du vin, et de garder les nouvelles générations au village. "Le terrain calcaire, parfaitement ensoleillé, protégé par collines et forêts, se prête à ce mode d'agriculture, et le maire, ingénieur agronome et lui-même vigneron, a trouvé en face de lui des collègues motivés. Son domaine, "Les Aspras" (terre âpre ou pauvre) est la terre par excellence du vin blanc de Provence". Outre les rosés et les rouges, un vin blanc d'appellation d'origine contrôlée Côte de Provence, que les disciples de Saint Benoît appréciaient déjà comme vin de messe. On trouve d'autres produits bio à Correns : fromages de chèvre, oeufs, fruits et légumes, miel, huiles essentielles. L'école communale, qui accueille 83 élèves et sert 60 repas quotidiens, présente un plat bio par repas. Correns a également adopté l'Agenda 21, un plan d'action en 21 propositions pour le 21ème siècle, créé en 1992 à Rio, lors du Sommet de la Terre. Un plan économique, social, culturel et environnemental pour un développement durable. "Chacun de nous se doit d'être acteur de cette démarche citoyenne car nous devrons faire les choix collectifs les plus à même de nous permettre de gérer et de développer le patrimoine qui nous a été confié afin de le transmettre en bon état à nos enfants et aux générations futures." ( Comité de pilotage Agenda 21, Correns). Bref, le village mérite bien sa devise, "Correns, la sensation d'un privilège". Brad Pitt et Angelina Jolie, particulièrement sensibilisés aux problèmes de l'environnement l'ont bien compris ; depuis plus d'un an, ils ont élu domicile sur la commune, au Château de Miraval, l'un des plus beaux domaines de Provence.