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Aups

6ème Festival de la Terre 2014 avec les bergers maasaï

L'AUTRE VISAGE

le public se tient la main pour une bénédiction maasaï
le public se tient la main pour une bénédiction maasaï

Pour le 6ème Festival de la Terre, Kenny Matempash, porte-parole du peuple maasaï, et son épouse Phylis, sont venus à Aups, raconter la lente et inexorable dégradation de leurs conditions de vie. Dépouillés de leurs terres au profit d'élevages commerciaux, de cultures industrielles intensives, ou de Parc Naturels Nationaux dont ils sont exclus, ils subsistent de plus en plus difficilement, tentant de sauvegarder leur identité culturelle et leurs liens avec la nature.

Le film diffusé en première partie "Maasaï Terre Interdite" de Xavier Péron et Kristin Sellefyan, soulignait "la qualité environnementale du pastoralisme, tel que le pratiquent les Maasaï qui se considèrent, à juste titre, comme les gardiens de la biodiversité", a expliqué Catherine Kieffer de l'Association Ethno Savannah.

UN PEUPLE SANS TERRE

un public attentif
un public attentif
devant le film de Xavier Péron
devant le film de Xavier Péron

Les Maasaï, peuple mythique, peuple légendaire, qui a été pour beaucoup d'entre nous l'image même de l'Afrique... Un peuple de nomades enveloppés d'étoffes rouges, menant devant eux leur seule richesse, leurs troupeaux de buffles. Un peuple qui se nourrit de lait et de sang. prélevé directement à la jugulaire de l'animal, de plantes, et occasionnellement pour les fêtes, de viande. Un peuple sans frontière, qui se déplace au gré des pâturages. Originaire d'Ethiopie, aujourd'hui en Tanzanie et au Kenya. Des pays symboles d'animaux sauvages et de safaris.

Xavier Péron, enseignant chercheur en anthropologie et spécialiste mondial des Maasaï a longuement séjourné parmi eux. Il se sent en osmose avec leur mode de vie... jusqu'à publier "Je suis un Maasaï" en 2007. C'est en 1983 qu'il rencontre Kenny, héros du fil "Maasaï Terre Interdite". Auteur de deux documentaires, et de plusieurs ouvrages sur ce peuple dont la spiritualité et l'amour de la nature l'ont séduit, il les fait connaitre pour les défendre.

Dépossédés de la meilleure moitié de leurs terres par les traités de 1904 et 1911 avec les colons britanniques -"des traités de dupes car ils ne savent ni lire, ni écrire"-, les Maasaï ne cesseront de dénoncer cette escroquerie... En vain.

L'indépendance du Kenya, en 1963, n'améliore pas la situation. A la fin des années 60, le programme foncier des Group-Ranches rassemble plusieurs familles sur un territoire, avec un titre collectif de propriété : une incitation à l'abandon du nomadisme."Après 20 années de politique communautaire, le gouvernement privatise les terres maasaï dans les années 90... Ils vont tout perdre ou presque. Impossible désormais de faire paître les troupeaux dans des parcelles devenues trop petites. Beaucoup d'éleveurs maasaï se suicident. Le district de Kajiado où habite Kenny, est le plus touché".

LES PARCS NATIONAUX : UNE STRATEGIE INADAPTEE ?

Maasaï et leurs troupaux http://rythmesafriqueracines.com/2012/09/11/les-maasai-ce-peuple-original/
Maasaï et leurs troupaux http://rythmesafriqueracines.com/2012/09/11/les-maasai-ce-peuple-original/

Les Parcs Nationaux, créés dans le milieu du 20ème siècle se sont multipliés, représentant aujourd'hui 12% de la superficie du pays dont ils sont la principale source de revenus. "Toutes ces terres ont été prises sur le territoire des Maasaï. Dans la réserve nationale de Maasaï Mara... environ 10% des éleveurs maasaï se sont adaptés à la nouvelle situation. Renonçant à leurs vaches, ils vivent du tourisme. Les 90% restants, éleveurs et pasteurs, sont interdits d'accès aux réserves". Les touristes ne doivent pas voir le bétail, et quand la sécheresse devient trop sévère, les Massaï entrent en douce dans la réserve le soir, pour la quitter avant 6h du matin. "Le gouvernement kenyan est un gouvernement agricole, pas pastoral, et ne comprend pas plus que les colons pourquoi les pasteurs continuent à bouger à travers le territoire... Il a conservé la mentalité coloniale selon laquelle, pour préserver la faune sauvage, il faut trouver les plus grandes concentrations d'animaux, et les placer dans des parcs", explique David Western, Directeur de la Côte Sauvage du Kenya dans les années 90.

photo internet berger maasaï N'Gorongoro Conservation Area
photo internet berger maasaï N'Gorongoro Conservation Area

"Pourtant l'étude des éco-systèmes semble donner raison aujourd'hui au mode de vie que les Maasaï avaient adopté il y a des centaines d'années... " En effet "le pastoralisme favorise l'existence même de la faune sauvage qui s'alimente en mangeant les herbes courtes broutées par les vaches. Aujourd'hui, cet équilibre est rompu. Les Massaï et leurs troupeaux sont tenus à l'écart des parcs animaliers. En revanche, durant la saison des pluies, les animaux sauvages viennent brouter sur l'espace déjà restreint des Massaï..."

Les parcs permettent-ils au moins la protection des animaux sauvages ? "Les autorités en charge de la faune sauvage disent qu'à l'exception des parcs où la situation est stable, le nombre d'animaux sauvages a chuté de 25% durant les 20-25 dernières années. Ce n'est pas vrai. Dans les parcs, la baisse du nombre de bêtes sauvages est aussi rapide, sinon plus : moins 65% dans certains parcs, comme Tsavo. De moins en moins d'animaux reviennent lors des migrations. On ne peut plus isoler les parcs... faune sauvage et bétail ont toujours migré ensemble".

Le pastoralisme fait encore vivre en 2006, date à laquelle le film a été tourné, 2 millions de personnes, mais il semble voué à disparaitre. "Le Kenya continue de privilégier l'agriculture et le tourisme, sans tenir compte de l'inter-action du bétail des Maasaï et de la faune sauvage. Une vision à très court terme qui menace de faire disparaitre la vache, la faune, et finalement le tourisme".

HUIT ANS PLUS TARD

chef spirituel maasaï : "la forêt c'est le lien entre le ciel et la terre" extrait film Maasaï Terre Interdite
chef spirituel maasaï : "la forêt c'est le lien entre le ciel et la terre" extrait film Maasaï Terre Interdite

"Il n'y a pas eu beaucoup de changements depuis la réalisation de ce documentaire", explique Kenny. Les Maasaï se sont battus pour conserver "la forêt de l'Enfant Perdu", l'une des dernières forêts du Kenya, qui culmine à 2700m d'altitude, et dont les autorités de Narok souhaitaient faire une réserve en 1980. Une forêt riche en plantes médicinales, cours d'eau et pâturages de saison sèche. "C'est plus qu'une forêt, l'endroit pour nous où réside notre spiritualité, là où est notre Dieu. C'est là où nous avons nos rituels... La forêt, c'est le lien entre le ciel et la terre", précisait le chef spirituel maasaï. Le cas a été porté devant la cour de justice, et les Maasaï ont gagné. "La forêt ne sera pas annexée par Narok", dit Kenny. "Mais nos terres se réduisent car elles sont privatisées. Un concept étranger à notre culture". Chez les Maasaï, on ne possède pas la terre, on en fait partie. "De nombreux Maasaï, illettrés, se font facilement manipuler pour l'achat de leurs terres. De grosses compagnies se sont installées pour des productions alimentaires, et on a aussi découvert du pétrole sur notre territoire. Le sous-sol est propriété de l'Etat. On évacue la population pour explorer la région. Cela s'est déjà fait pour la géothermie : des milliers d'hectares ont été réquisitionnés, d'où des milliers de personnes ont été expulsées..."

UN COMBAT DE FEMMES

Phylis et Kenny
Phylis et Kenny

"Dans le film de Xavier Péron, les hommes ont la parole. Quel est le rôle des femmes dans la société maasaï ?"

Phylis, la femme de Kenny, a toujours vécu dans la tradition pastorale. "Les femmes prennent soin des troupeaux", explique-t-elle, "car ils constituent leur ressource quotidienne. Elles prennent également part aux luttes pour sauvegarder la terre. J'ai eu beaucoup de chance d'être allée à l'école ; 90% des femmes sont illettrées. J'ai été professeur pendant 27 ans, et j'ai arrêté pour développer des groupes de femmes et les aider, leur faire comprendre la valeur du pastoralisme."

Elles ont créé une grande coopérative de 5000 membres, et vendent leur lait. "A travers cette activité, nous apprenons aux femmes à gérer leur argent, donc acquérir leur indépendance.

Nous soutenons également les jeunes filles pour qu'elles aillent à l'école, et disent NON à l'excision, en diffusant une large information à ce sujet. Nous remercions le gouvernement qui a modifié la loi, rendant désormais l'excision illégale... Ca, c'est un combat de femmes.

ET POUR LES BERGERS DU VERDON ? UN ACCES DIFFICILE AU FONCIER

Suzanne Hioanni co-directrice du PNR du Verdon. James Robideau du Dakota. Catherine Kieffer d'Ethno-Savannah.Phylis. Kenny. Denis Plaisir président de l'ADSECA. Michel Berthelot président de Colibris Dracenie. Eric Renoult président de l'ASPE
Suzanne Hioanni co-directrice du PNR du Verdon. James Robideau du Dakota. Catherine Kieffer d'Ethno-Savannah.Phylis. Kenny. Denis Plaisir président de l'ADSECA. Michel Berthelot président de Colibris Dracenie. Eric Renoult président de l'ASPE

Et chez nous, dans le Verdon, qu'en est-il du nomadisme ? Il existe encore des bergers, comme Francis Girard de Bauduen, qui migre à pied avec tout son troupeau, tous les étés vers les alpages de Haute Provence.

"Mais le nomadisme va à l'encontre de tout le mouvement de la société actuelle", a fait remarquer Catherine Apostolo, agricultrice ; "contre les valeurs que l'Europe veut imposer aux éleveurs ; elle préfère privilégier le tourisme."

Si les Parc Nationaux des USA et d'Afrique, ainsi que les premiers Parcs Nationaux français ont été créés dans une optique de conservation en réduisant le plus possible l'intervention humaine, nos Parcs Régionaux sont différents. "Ils ont d'autres objectifs", a précisé Suzanne Gioanni, co-directrice du PNR du Verdon. "Nos espaces ruraux aux patrimoines culturel et naturel se vident. L'homme doit y rester pour y maintenir un équilibre. Un équilibre difficile, car on peut laisser beaucoup trop de place à l'être humain et surexploiter la nature... ou protéger la nature de telle façon que l'homme en est exclu".

Francis Girard  stipule que la Confédération Paysanne se bat pour la sauvegarde du pastoralisme. "Eleveurs et paysans, nous avons besoin d'un soutien au niveau de la consommation, sous peine d'être broyés par le système économique présenté comme incontournable."

"Il ne faut pas oublier le problème du foncier", a repris Suzanne. "L'accès aux terres est de plus en plus difficile pour les éleveurs".

Quant aux débouchés, il existe des AMAP (Association pour le Maintien d'une Agriculture Paysanne). "Celle de Moissac regroupe 17 producteurs grâce auxquels on peut vivre en quasi-autarcie alimentaire", a précisé Michel Berthelot, président de Colibris 83 Dracénie.

"MENAGER LA CHEVRE ET LE LOUP"

départ en transhumance avec Francis Girard  juin 2012
départ en transhumance avec Francis Girard juin 2012

Certains éleveurs souhaiteraient une autre position du PNR du Verdon par rapport au problème du loup. "Le Parc dit être pour les éleveurs, et pour le loup en même temps", a souligné Francis. "Cela ne suffit pas, et il sera difficile de tenir ce discours très longtemps, car les éleveurs sont à bout. Le Parc National des Cévennes a voté une délibération par rapport à la prédation, disant que la présence du loup sur son territoire est incompatible avec le pastoralisme. C'est difficile à entendre pour certains, mais au moins, c'est clair."

Antoine Faure
Antoine Faure

 Antoine Faure, maire d'Aups, et vice-président du Syndicat Mixte du PNR du Verdon, n'a laissé aucun doute sur sa position. Les éleveurs sont des éléments importants de notre territoire sur le plan économique. L'élevage et l'agriculture y ont leur place. Nous continuerons à les défendre, sans pour autant dire qu'il faut éradiquer le loup. Nous n'avons pas de solution radicale, mais la volonté de travailler avec les éleveurs pour résoudre leurs problèmes. Disons que nous désirons ménager la chèvre et le loup."

 

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