Habitués à nous nourrir des produits de l'agriculture, bien peu d'entre nous sont capables de trouver de quoi s'alimenter dans la nature. Identifier les plantes, connaître leurs propriétés, leurs vertus et leurs dangers... C'est tout un programme ! Certes, une matinée n'est pas suffisante pour y accéder, mais avec notre guide naturaliste, nous avons découvert quelques uns de leurs secrets lors d'une balade gourmande fin avril 2019. Une quinzaine de randonneurs étaient au rendez-vous pour cette balade axée sur les plantes comestibles, aux alentours de la cascade.
Nous avons pris le départ près de la mairie, sous le micocoulier. "Un arbre de la famille du cannabis, un celtis australis", précise notre guide, qui ajoute en désignant les quelques petits fruits noirs demeurés sur l'arbre : "c'était l'arbre à chapelet des provençaux, mais ces micocoules sont aussi comestibles. On l'appelle encore arbre à fourches, car il produit naturellement des branches à trois fourches. Son bois souple et résistant constituait une précieuse ressource".
UNE PRAIRIE ENTRETENUE PAR BROYAGE ET PATURAGE
Et nous prenons la direction de l'oliveraie municipale, où quelques oliviers ont été récemment taillés et les déchets verts broyés. "Un bon compost que l'on peut mettre au pied des arbres". La loi de 2011 interdit le brûlage des végétaux à l'air libre... "Cependant", fait remarquer notre guide, "" si nous avons l’autorisation de brûler des déchets verts alors les faire sécher avant de les brûler : car -selon les végétaux- les substances chimiques qu’ils ont synthétisés comme les huiles, les huiles essentielles, l’eau des sèves, les pigments auront le temps d’être éliminés par évaporation ou par les pluies ! Brûler des déchets vert frais, c’est cramer des huiles végétales, des huiles essentielles, des pigments et c’est tout cela qui est hyper polluant …une pollution locale terrible. »
Cette prairie sèche, uniquement entretenue par broyage et pâturage, comprend une quantité impressionnante de plantes, dont la plus discrète, la piloselle ou oreille de souris à cause de ses soies, retient notre attention. Il faut se pencher et regarder de près pour la découvrir à ras du sol, étalée en rosette. "Elle est de la famille du pissenlit, comestible cuite, et possède des propriétés diurétiques, anti-infectieuses... Elle était utilisée jadis pour traiter la brucellose. Elle se reproduit par des tiges aériennes poussant du centre pour venir s'enraciner plus loin, et elle envahit ainsi peu à peu l'espace. Ses fleurs sont jaunes".
Et là, se faufilant dans l'herbe, une guêpe. “Elle fait partie des hyménoptères, une famille d'insectes dont les larves n'ont pas de pattes”. La guêpe capture des proies – araignées, criquets...-, les paralyse et les emporte dans son nid où elle pond un oeuf dessus. La larve a des réserves ! “90% des insectes mangent des insectes. Par contre, la guêpe adulte se nourrit de nectar, donc pollinise”.
Quelques orchidées ont poussé dans la prairie, malgré un hiver chaud qui a entrainé une sécheresse du sol en surface, et une brûlure de la rosette devenue noire. Les orchidées, des ophrys provincialis, ont fleuri.
Le ciste blanc ou cotonneux, est aussi en fleur. Arbrisseau au feuillage persistant, il exhibe son coeur jaune entouré de pétales roses et chiffonnés.
“On le nomme aussi dans le Vaucluse “estende pedhas, car les lavandières y étendaient les langes (pedhas) des bébés après la lessive. Nous avons dans le Var 5 sortes de cistes. Celui-ci,on peut en faire des tisanes calmantes avec la plante fraiche, en décoction de 2 minutes”.
AU PAYS DES LIANES
Nous avons quitté l'oliveraie pour suivre le sentier à l'ombre des arbres, brusquement éclairé par de petites étoiles bleues au sommet de tiges légèrement velues. C'est le grémil bleu ou lithospermum, apparenté à la bourrache. “C'est l'une des rares plantes à “faire des oeufs”. Sa graine se trouve dans une enveloppe de calcaire, dissoute par les pluies chaudes de printemps. Une plante couvrante, sans entretien, qui peut se déguster en salade”.
Plus loin, nous nous attardons devant l’alliaire à saveur aillée : « L’alliaire ressemble à une monnaie du pape – la lunaire- elle a des feuilles en forme de cœur et des petites fleurs en forme de croix (mais blanches) en haut de longues tiges. Elle est classée dans la famille des brassicacées, tels les choux”.
La chênaie est bien présente, accompagnée par de multiples lianes. La salsepareille, très grande liane envahissante aux épines acérées, feuilles en forme de coeur et petites baies rouges. Si ses racines peuvent être utilisées pour soigner des dermatites ou comme diurétique,” ses baies sont toxiques pour les mammifères”. La garance voyageuse possède, elle, de minuscules crochets qui lui permettent de s'agripper pour s'élever, ou “voyager” sur la toison des bêtes. Elle était autrefois cultivée pour ses propriétés tinctoriales. On observe aussi la ronce et l'églantier, ainsi que la clématite brûlante.
“Le laurier noble, ou laurier vrai, ou encore laurier sauce, est un survivant de l'ère tertiaire, de la famille des lauracées, comme la cannelle”. Couramment utilisé en cuisine.
Le troène, fleurs blanches et baies noires “est de la même famille que l'olivier, le frêne, le lilas...”
Le fusain, donne a l'automne de petites graines rouges encapsulées dans une enveloppe orange, faisant penser à un bonnet d'évêque. "Brûlé en vase clos, il produit un charbon de bois utilisé pour le dessin”.
UNE PRAIRIE RICHE EN BIODIVERSITE
Face à nous sur la gauche, s'étend la prairie humide fleurie. Ici, la nappe phréatique est très proche. “Il s'agit d'une prairie remarquable en Provence par sa richesse en biodiversité”, note notre guide qui reprend : “ le record dans le Var en ce domaine, est détenu par la région des Maures, où l'on compte une centaine d'espèces différentes sur une superficie d'1m2”. Les bugles rampantes aux fleurs bleues se mêlent aux narcisses sur un tapis de pâquerettes. “Avec ces dernières, il est facile de faire des câpres. Il faut les cueillir en boutons, les laver, et les faire blanchir à la poêle 2 minutes avec un demi verre de vinaigre, et un demi verre d'eau. Pour une petite conserve, utiliser deux poignées de pâquerettes . Elles sont très riches en sels minéraux”.
Tout en continuant, nous découvrons au bord du chemin, un petit soleil lumineux. C'est la ficaire ou fausse renoncule, aux feuilles en forme de coeur. “Une plante toxique”.
La consoude aux fleurs pourpres, utilisée de longue date en médecine traditionnelle possède de nombreuses vertus. “Elle est riche en oligo-éléments et accélère la consolidation des fractures. On la recommande pour traiter les hémorroïdes, les inflammations pulmonaires et digestives. Les feuilles sont comestibles et elles peuvent se cuisiner en beignets : faire une pâte à beignets (125g de farine, 1 oeuf, 1/2 verre d'eau et du sel), y tremper les feuilles lavées, et les faire frire à la poële”.
Aux alentours de la cascade, le lamier maculé a envahi les sous-bois. Plante velue à tige carrée, sa silhouette n'est pas sans rappeler celle de l'ortie. Elle a une jolie floraison rose pourpre.
Le tamier ou arbre à la femme battue se présente sous forme de liane qui a la particularité de s'élever en s'enroulant autour de son support. On remarque ses feuilles en forme de coeur et ses petites fleurs sont jaunes . “Sa racine, nettoyée et séchée, servait autrefois à faire des cataplasmes pour soigner les hématomes. Dans le sud, on l'appelle plus fréquemment “reponchon”.
Plus bas, la floraison blanche de la fausse roquette illumine le talus. Une plante abondante dans le sud de la France, compagne de la vigne et de l'olivier. “Elle fleurit tout au long de l'année, même en hiver. De la famille des choux, on peut consommer fleurs et jeunes pousses en salade , riches en anti-oxydants utiles dans la prévention des cancers”.
AU BELVEDERE
Une petite grimpette jusqu'au belvédère nous permet d'admirer la cascade : la Bresque effectue ici un saut spectaculaire de plus de 40 mètres, et nous regrettons un peu que les pluies n'aient pas été plus abondantes ces derniers temps... Sous un amélanchier en fleurs, dont les fruits, les amélanches, font d'excellentes confitures, notre guide ramasse une vesce de loup vieillissante, dont le chapeau laisse échapper une poussière brunâtre : les spores. “On les utilisait jadis pour teindre les capes de laine des bergers. Les champignons sont les seuls êtres vivants capables de digérer le bois pur, la lignine. Les termites, insectes xylophages, ne digèrent ni la cellulose, ni la lignine. Mais ils déposent leurs excréments dans leur terrier où ils élèvent des champignons, qui vont finir le travail... et les termites vont alors déguster les champignons !
De nombreux buissons de romarin aux petites fleurs bleues comestibles exhalent leur parfum caractéristique, et nous examinons ses feuilles étroites, bicolores, en gouttière. “Son huile essentielle est bactéricide. Si vous pique-niquez dans la nature, mâchonnez ensuite une feuille pendant 2 minutes, cela remplace aisément un brossage de dents avec dentifrice !”
Nous prenons le chemin du retour, non sans apercevoir le silène enflé, encore nommé claquet ou pétarel, car il est toujours amusant d'y emprisonner l'air en pinçant son orifice, avant de le faire éclater avec un petit bruit sec... Mais ici, il n'est pas encore en fleurs. “Par contre, ses feuilles sont comestibles crues, avant le floraison”. Et nous nous accordons à leur trouver une délicieuse saveur de petit pois.
SUR LE CHEMIN DU MUR DE TUF
L'orme champêtre, dont les fleurs apparaissent avant les feuilles, dresse sa haute silhouette au bord du sentier, et il arbore encore quelques fruits ailés semblables à de minuscules soucoupes volantes, "des samares”, précise notre guide, “ce qui facilite la dissémination par le vent”.
De nombreux arbres sont ici entourés de lierre, cette plante grimpante considérée souvent à tort comme parasite. “En fait, réchappé de l'ère tertiaire, il ne se nourrit pas de son support, et la couronne végétale qu'on observe autour du tronc est souple et ne vient pas entraver sa croissance. Il fleurit en septembre, et grandit en automne-hiver. Il forme au pied des arbres une litière importante, et les protège du gel ainsi que des animaux pouvant endommager l'écorce. Il y a une inter-action entre le lierre et son support, avec bénéfices réciproques”. Sans compter qu'il représente aussi un lieu d'hibernation pour des insectes comme coccinelles et citron de Provence.
Nous parvenons bientôt à hauteur du mur de tuf, qui bordait autrefois les jardins de la marquise de Castellane. Là, un petit papillon butine les fleurs en vol stationnaire : “un sphinx gazé, cousin du moro-sphinx”. Entre les pierres sèches ont poussé une multitude de plantes, comme le laiteron. Une plante poilue aux fleurs jaunes, “comestible et cousine du pissenlit. Quand on casse la tige, il en sort un latex laiteux”. Le fumeterre reconnaissable à sa longue tige souple et ses petites fleurs rose pourpre, est également comestible. On le recommande en cas de problèmes digestifs et cutanés... L'orpin blanc ou sedum blanc, aux feuilles rondes fait partie de la famille des crassulacées. “C'est une plante chameau, dont les tissus charnus sont gorgés d'eau. On peut le consommer en beignets”.
Dernière petite halte à l'ombre de deux imposants platanes.
“Ils ont deux cents ans. Il y en avait un troisième que l'on a dû abattre avant qu'il ne les contamine, car il était attaqué par le chancre coloré du platane”. Un champignon arrivé des USA durant la dernière guerre, et qui a entrainé l'abattage de 80 000 arbres en région PACA ces dernières années.
“ On distingue le platane d'origine asiatique dont les feuilles comportent 5 lobes, et le platane d'origine américaine, dont les feuilles n'ont que 3 lobes. Mais aujourd'hui, nous avons de nombreux hybrides, comme ceux-ci, plus sensibles à la maladie".
Et petit détail rigolo : “le platane possède le même ADN que le lotus à 99,9% !!!”
SOULIGNONS QUE TOUTE CUEILLETTE EST INTERDITE SUR LES ESPACES NATURELS SENSIBLES