Journée "portes ouvertes" à La Roquebrussanne en Provence Verte, en ce mois de mars 2012, dans le cadre de la "semaine pour des alternatives aux pesticides". Dans cette commune d'un peu plus de 2000 habitants, avec une plaine agricole de 1100 ha qui s'étire à l'ombre de la montagne de La Loube, élus et citoyens se tournent vers un mode de vie où les pesticides tendent à disparaitre. Une initiative remarquable, alors que la France est épinglée par Bruxelles pour ses eaux surchargées en nitrates, et que le Ministère de la Santé a multiplié par 5, depuis décembre 2010, les taux de pesticides tolérés dans l'eau (Générations Futures, février 2011).
VAR : L'AGRICULTURE BIO EN PROGRESSION
Denis Carel, éleveur de chèvres et brebis, et conseiller municipal, travaille avec son fils en GAEC, en bio. Il est président d'Agribiovar, une association créée en 1997, qui fonctionne comme un syndicat professionnel. "Il existait alors une trentaine de producteurs bio sur le département, dont 17 adhérents à l'association. On en compte aujourd'hui 300 sur 3500 exploitations", constate-t-il, "soit une énorme progression de presque 10%, plébiscitée depuis une dizaine d'années par les consommateurs". Qu'est-ce que l'agriculture biologique ? "Une agriculture qui doit respecter un cahier des charges interdisant l'usage des pesticides et engrais chimiques de synthèse. Les pratiques de l'agriculteur sont contrôlées par un organisme extérieur".
POLLUTION DU LAC SAINTE SUZANNE
Le lac Sainte Suzanne, plus communément appelé lac de Carcès, est alimenté par les rivières du Carami et de l'Issole, cette dernière traversant la commune de La Roquebrussanne. Créé en 1936, il approvisionne en eau potable Toulon et les villes environnantes. "Depuis une quinzaine d'années, l'Agence de l'Eau y a décelé une pollution par le glyphosate, le principe actif du "RoundUp", explique Denis; "un herbicide commercialisé par la firme "Monsanto", que l'on trouve dans les rayons de toutes les jardineries. En trois semaines, la molécule d'origine se dégrade en molécule stable, l'AMPA (acide aminométhylphosphonique), elle aussi toxique, qui remonte dans la chaine alimentaire par l'eau de boisson". Trois sources de pollution ont été identifiées : les agriculteurs, les collectivités (communes, SNCF, EDF...), et les particuliers. "La Chambre d'Agriculture met alors en place un comité de pilotage, qui prend en charge le suivi des agriculteurs et les changements de pratique. Le réseau de producteurs bio (Agribiovar et Bio de Provence), assurent l'information aux particuliers, avec la diffusion du guide "Jardiner sans pesticides", et la FREDON (Fédération Régionale de Défense contre les Organismes Nuisibles), travaille avec les collectivités, pour supprimer l'emploi des désherbants".
DES ZONES AGRICOLES PROTEGEES
Le maire de La Roquebrussanne, Michel Gros, reconnait une véritable prise de conscience, au niveau de la commune, de l'effet néfaste des
herbicides, et de l'importance de la qualité de l'eau. "Il existe une
volonté de passer en bio, je l'accompagne et m'y associe pleinement. La plupart des viticulteurs, même
ceux qui travaillent en conventionnel, pratiquent le désherbage mécanique. Nous avons abandonné les herbicides sur la commune depuis 2 ans. C'est un surcoût de travail, et nous réfléchissons à
l'acquisition d'un désherbeur thermique, avec les communes de Méounes et Néoules".
Sur cette commune où domine la viticulture, certaines terres sont encore
inutilisées. "Je voudrais faire en sorte qu'elles soient
cultivées, car la demande existe, notamment en bio". Et Michel Gros innove avec un projet : la création de "Zones Agricoles Protégées". "Les terres concernées sont, et resteront agricoles, ce qui permet d'investir et de s'investir dans
l'agriculture. Ce projet est mené en concertation avec les agriculteurs. La Chambre d'Agriculture a défini un périmètre, et dans ces zones, le travail quotidien sera facilité avec des voies
d'accès aux parcelles, des solutions pour l'irrigation, etc... Nous sommes des pionniers en la matière. La création de ces "Zones Agricoles Protégées", est l'un des six objectifs des contrats de
territoire du Conseil Général et de la Provence Verte". Lionel
Brouquier, adjoint à l'Environnement qui travaille tout particulièrement sur ce projet, sera auditionné par le Conseil Général début avril, ainsi que les
communes de Salernes et La Celle, également intéressées.
ALTERNATIVES AUX PESTICIDES : AGRICULTURE BIO
Vincent Olivier, technicien de Bio de Provence, a rappelé l'impact des pesticides sur l'environnement. "Les pesticides sont des biocides (littéralement, qui tuent la vie). Ils détruisent ou ralentissent le développement des herbes et organismes jugés indésirables pour les cultures. Ils sont composés de principes actifs et d'adjuvants". La France est le 4ème consommateur mondial de pesticides, derrière les USA, le Brésil et le Japon. C'est le 1er d'Europe, et plus de mille produits y sont commercialisés. Ils polluent l'air, le sol et l'eau. "Lors d'un traitement par pesticides, 40% atteignent leur cible, 50% sont perdus dans le sol, et 10% se volatilisent". En région PACA, aucune rivière n'est naturellement potable, et depuis 2004, toutes les eaux souterraines de la région sont polluées. "Le traitement de l'eau du lac Sainte Suzanne, dans les usines de Carnoules et de La Valette, entraine un surcoût de 6 à 2o centimes d'euro par m3 , payés par le consommateur.Il revient 20 fois moins cher de financer l'agriculture bio, que de dépolluer l'eau". Sans compter la toxicité des pesticides sur les insectes, les reptiles, les oiseaux et les mammifères, dont l'être humain.
L'agriculture biologique est une alternative à ces poisons. Elle respecte les cycles naturels, maintien la diversité, et cumule de nombreux facteurs favorables à la bonne santé des plantes, comme : la rotation des cultures, l'association des plantes, l'utilisation d'engrais verts, le binage, le paillage..."Les insectes auxiliaires, préservés, sont une aide pour la pollinisation, la protection contre certains indésirables, la formation du sol, le recyclage des déchets... On peut aussi utiliser des produits comme le cuivre (en quantité limitée), le soufre, l'argile, les décoctions, les purins et les tisanes. Enfin, l'agriculture bio, qui nécessite plus de main d'oeuvre, est une source d'emplois, et favorise la vente de proximité".
L'agriculture bio en France en 2008 : plus de 20
000 exploitations, soit 845 000 ha, et 3,1% de la SAU nationale En région PACA cette année : 1ère région bio de France : plus de 2 000 exploitations, soit 70 000 ha et 10,5% de la SAU régionale Le Var est le 10ème département bio de France, avec 8 200 ha, comprenant viticulteurs, oléiculteurs et maraichers |
PIERRE VENEL MARAICHER BIO
Sur ses 4 ha, Pierre Venel travaille en bio depuis 3 ans. Ses cultures sous serre s'alignent (salades, petits pois et blettes colorées, tomates, aubergines, carottes et oignons...), entrecoupées de fruitiers : abricotiers, pêchers, pommiers, oliviers, figuiers... Ici, une haie formée par une vingtaine d'espèces d'arbustes, dont amélanchiers, arbre rustique à la magnifique floraison printanière, pyracantha ou buisson ardent, sorbier, laurier tin, qui ne craint pas les parasites..."Ces arbres donnent des baies dont les oiseaux sont friands...Il faut dire que je suis aussi "Refuge LPO !" Cà et là poussent des plantes favorisant la présence d'insectes auxiliaires : la vesce, qui attire les coccinelles ; "régulièrement, je les ramasse et les mets dans des fioles où elles s'accouplent, avant d'être relâchées" ; l'inule visqueuse, où se plait un parasite de la mouche de l'olive...Dans la serre aux tomates, Pierre a placé un piège à phéromones, et les limaces sont traitées par sulfate de fer. Une grande mare, alimentée par un forage, accueille libellules, grenouilles et crapauds. "Le grand problème du maraichage, ce sont les ravageurs, et bien sûr, il m'arrive d'avoir des problèmes, comme avec mes pommiers, attaqués par un papillon nocturne, le carpocapse, dont la larve se nourrit du fruit ; peut-être la meilleur solution est-elle d'envelopper les arbres dans un filet, juste après la floraison".Pierre doit aussi composer avec les geais, qui se régalent de ses pêches, les sangliers, et le blaireau qui a élu domicile à côté de chez lui. "Le fil électrique est dissuasif pour ce dernier ; quant aux sangliers, il ne faut pas qu'ils aient l'occasion de goûter aux cultures..." Pierre ne retourne pas le sol, il l'aère, et utilise des engrais verts : vesce, avoine, moutarde, ainsi que le fumier fourni par Denis l'éleveur. Il désherbe à la main, parfois avec un désherbeur thermique. Il vend des paniers de fruits et légumes, et évoque des résultats positifs : "c'est une grande satisfaction ; économiquement parlant, je vends un peu plus cher, pour un bilan à peu près équivalent".
GERARD DAUVERGNE VITICULTEUR BIO
Gérad Dauvergne, sur le Domaine de La Reire, entretient 50 000 à 60 000 pieds de vignes. "Ici, le sol est pauvre", explique-t-il, "et si on se laisse envahir par l'herbe, elle capte l'eau et les éléments nutritifs..." C'est l'époque où il aère le sol, et déchausse la vigne, travail long et fastidieux, malgré l'aide des machines. Les principales maladies de la vigne ? "L'oïdium et le mildiou, traités par le cuivre et le soufre. En viticulture traditionnelle, on utilise aussi des produits systémiques, c'est-à-dire qui rentrent à l'intérieur de la plante, se propagent dans la sève et sont stockés dans le raisin". Depuis trois semaines, une nouvelle loi européenne impose une vinification bio. "Dès la récolte prochaine, le vin ne sera plus seulement "issu de raisin biologique", mais entièrement bio".
LA LPO FETE SES 100 ANS
Créée en 1912, à la suite d'un massacre de macareux en Bretagne, la Ligue pour la Protection des Oiseaux fête ses 100 ans, un siècle au cours duquel elle n'a cessé d'évoluer. "Cet épisode qui est à l'origine de notre logo", explique Gilles Viricel, directeur de la LPO PACA, n'était alors pas unique en son genre. Dans les années 70, l'utilisation des pesticides, et tout particulièrement du DDT, provoque des ravages. Il se retrouve dans la chaine alimentaire, et se concentre chez les grands prédateurs. Ainsi, le faucon pélerin pond des oeufs dont la coquille est si mince et si fragile, qu'elle casse lors de la couvaison... Aujourd'hui, la LPO s'ouvre à la protection de la nature en général, et à l'agriculture. Pour une agriculture respectueuse de l'environnement et des hommes".
Le 12 décembre 2012, est sorti le film :
La Voix du vent - Semences de
transition
Documentaire poétique franco-espagnol, vidéo HD 1080p, son stéréo, 90mn.
Jean-Luc
Danneyrolles, agriculteur de Provence et Carlos Pons, réalisateur Espagnol, organisent un voyage vers Grenade à la rencontre du mouvement social alternatif, entre agro-écologie et changement de
paradigme. Ils partent lors des grands froids de février 2012, avec pour tout moyen d'échange et seule richesse : des semences paysannes.
Le témoignage d'un mouvement qui prend de l'ampleur. Un autre monde est en marche, ici et maintenant.
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