Dans le haut Var, et à l'extrême sud du Parc Naturel Régional du Verdon, le petit village de Sillans la Cascade vit au rythme du tourisme avec 1500 visiteurs par jour en été. Ils viennent voir la Bresque, cette rivière qui prend sa source à Fox Amphoux, et se jette dans l'Argens en aval de Carcès ; elle fait ici un saut de plus de 40 mètres d'une falaise de travertin ; une chute spectaculaire, la plus haute du Var. Le Conseil Général du département, propriétaire du site depuis 1990, y organise régulièrement des visites guidées.
DIVERSITE DES MILIEUX
Du village, le sentier descend jusqu'à la cascade, à travers un paysage aux multiples facettes. Marjorie, guide naturaliste, souligne l'intérêt du site : "il présente une mosaïque de milieux exceptionnelle. Une prairie sèche avec sa plantation d'oliviers ; une forêt où se développe peu à peu la chênaie ; une prairie humide, milieu ouvert entretenu par le pastoralisme ; la rivière et sa ripisylve ; les falaises. Autant d'habitats pour la flore et la faune".
La prairie sèche
Dans l'oliveraie communale, les habitants font la récolte tous les ans...
Dans la prairie, fleurissent entre autres le thym (ou farigoule), et le ciste cotonneux, pérales mauves à l'aspect froissé, feuilles vert argenté recouvertes de minuscules poils limitant l'évaporation de l'eau ; résistant aux gelées, et propagateur d'incendie...
"Dans le Vaucluse, on le nomme aussi "estende pedhas", car les lavandières y étendaient les langes (pedhas) des bébés à sécher, après la lessive"
La forêt, développement de la chênaie
Sur les restanques à flanc de colline, domine le pin d'Alep."Un pin indigène, résineux emblématique de la région, qui a profité de l'abandon des cultures pendant la seconde guerre mondiale, pour s'installer. Il émet des huiles essentielles qui freinent le développement du maquis. Mais en contrebas, chênes verts et chênes pubescents s'épanouissent. Il faut savoir que tous ces pins ont une durée de vie de 120 ans au plus, et ils mourront tous en même temps. On aura alors une chênaie, vraie zone de végétation provençale.
Dans le Var, on observe des forêts qui se referment de plus en plus importantes, laissant trop peu de place aux milieux ouverts".
La prairie humide
Dans la prairie où paissent les moutons, la nappe phréatique n'est qu'à un mètre de la surface du sol. "Grâce à son troupeau, le berger de Sillans maintien la zone ouverte ; en été il fait le foin. On observe ici le jonc, le narcisse et l'orchidée
des marais, une plante aux fleurs violettes, rare et protégée. Cette prairie demeure interdite aux jeux et pique-nique".
La rivière et sa ripisylve : le sentier des animaux
Sur un parcours de 15 kms, la Bresque traverse les villages de Sillans, Salernes et Entrecastreaux.Elle sinue entre des collines calcaires, dévalant de
cascade en cascade.L a ripisylve, très abondante par endroits, dispense une ombre bienfaisante. "La rivière
est un véritable "sentier" pour les animaux : oiseaux et petits mammifères dans la forêt, et dans la Bresque, blageons, chevesnes, barbeaux et
cistudes".
Sur le bord du chemin, deux platanes de plus de 250 ans. "Ils sont parmi les plus
vieux de France. On en comptait trois, mais il a fallu en abattre un atteint du chancre. Patricia Huss, photographe professionnelle, a fixé avec son appareil les différents stades de l'opération (qui a
soulevé un grand émoi dans la population locale), et une plaquette doit sortir prochainement".
LA CISTUDE AU MENU DE NOS ANCETRES
A noter que la cistude, aujourd'hui protégée, faisait partie du menu de nos ancêtres. On en a retrouvé des restes lors des fouilles de la grotte de
Fontbrégoua à Salernes. Elles auraient été pêchées dans la Bresque et dans leur étude "La consommation de la tortue cistude au
post-glaciaire", Marc Cheylan et Jean Courtin précisent :
"...espèce farouche dotée d'une ouïe et d'une vue très bonnes, la cistude ne se signale bien souvent que par le bruit de sa fuite dans l'eau. Sa capture
en zone marécageuse ou dans les grands cours d'eau devait poser des difficultés aux préhistoriques qui, peut-être, utilisaient alors des procédés autres que la capture à la main
(nasses-filets)
Les jardins de la Marquise de Castellane
A côté du moulin à farine deux fois centenaire, et dont il ne reste que des ruines envahies par le lierre, s'étendaient les jardins de la Marquise de Castellane. On y voit encore palmiers, micocoulier, laurier-sauce, néflier, seringa... Le terrain est aujourd'hui recouvert de petit houx, fusains, salsepareille, chélidoine et grémil bleu-pourpre ou lithospermum purpurocaeruleum : les graines de ce dernier sont à l'abri du gel dans une carapace de calcaire, qui leur donne l'aspect de petites perles rondes et blanches ; cette enveloppe se dissoudra sous la pluie au printemps pour permettre la germination. Le jardin était arrosé par des canaux, dont il existait un réseau très important, tant aérien que souterrain. Franck Degaugue, spéléologue, les a exploré, et leur cartographie est en cours".
La falaise
Les jardins s'allongeaient jusqu'à la falaise de travertin. "Le travertin est une roche poreuse, légère, dont on se servait pour la construction. Nous avons ici une immense falaise de fossiles ; ils se sont formés à la suite d'écoulement d'eaux chargées de calcium dissous. On peut supposer qu'il y a une époque où la cascade s'étirait sur une largeur de 200 mètres".
Sur la falaise, ainsi que sur le mur en pierres sèches longeant le sentier, on peut observer des fossiles de végétaux, feuilles et troncs.
Creusée de multiples cavités, la falaise représente un refuge idéal pour les chauves souris dont les crottes couvrent parfois le sol. "Elles viennent ici hiberner et / ou se reproduire. Elles se nourrissent d'insectes et peuvent parcourir une centaine de kilomètres au cours d'une sortie". La chauve souris possède un mode de reproduction particulier. Elle s'accouple en automne, mais ovule et spermatozoïde ne fusionnent qu'au printemps, pour donner naissance à un seul petit. Une sage économie d'énergie pour cet animal qui se révèle très fragile : un simple réveil en période de léthargie peut lui être fatal.
UN SITE DEGRADE EN COURS D'AMENAGEMENT
Les touristes qui descendent jusqu'à la cascade sont prévenus : la promenade n'est pas sans risque, et des panneaux, bien en évidence, en font part : risque de chute, chutes de pierres, baignade interdite... "En regardant la falaise, on comprend aisément que tous ces risques sont réels ; j'ai moi-même remarqué des pierres tombées sur le chemin. La baignade est interdite, car si la station d'épuration située en amont de la cascade rejette bien les eaux en aval, les dangers de contamination ne sont pas réduits à néant : poissons, mammifères et pêcheurs peuvent remonter la rivière, entrainant sa pollution. D'ailleurs, l'accès à la vasque où se précipitent les eaux de la Bresque et où a été édifié un petit ponton de bois pour mieux profiter du spectacle, est actuellement interdit (2010). De nouveaux projets d'aménagement sont à l'étude : un chemin en surplomb ; un autre arrivant face à la cascade ; un sentier du patrimoine avec réhabilitation des jardins de la Marquise".
LE NOUVEAU BELVEDERE
2015 : "Un splendide belvédère est désormais accessible depuis la rive gauche et la nouvelle station
d'épuration PHYTO a rendu la rivière bien plus saine pour tous" , souligne Marjorie.
VISITES GUIDEES
"Le Conseil Général du Var possède 12 000 ha, ce qui en fait le plus important propriétaire de France. Il projette de relier entre eux tous les "Espaces Naturels Sensibles", par des sentiers de petites randonnée. Les circuits seront jalonnés par des chalets d'accueil".
Marjorie guide sur les ENS du Var, mais organise aussi des balades provençales toute l'année.
Marjorie UGHETTO - 06 08 33 00 68
Naturaliste et guide AUTRES REGARDS
www.autresregards.info et https://www.facebook.com/BaladesNaturalistes.fr
Sillans la Cascade
Il fut une époque où les dinosaures pondaient des oeufs sur le site de Sillans, et une autre où nos aïeux y chassaient le renne et le mamouth...
Ce petit village de quelques 600 habitants, entre rivage méditerranéen et gorges du Verdon, a gardé son caractère médiéval, et doit sa renommée à sa cascade.