Lors des Journées du Patrimoine, en septembre 2015, Marie de l'Office du Tourisme, a guidé les visiteurs de l'église St Pierre au château. Une balade de quelques centaines d'années dans l'histoire, qui n'est pas remontée cependant aux origines de Salernes, sur la colline qui surplombe le vallon St Barthélémy, lieu dénommé "Salernes Vieille". Une implantation favorisée par les conditions géographiques : des axes de communication, de l'eau, du bois et de l'argile.
UNE SEDENTARISATION DE 10 000 ANS
"Au temps de la préhistoire", raconte Marie," Salernes était une voie de passage des nomades, entre le Verdon et Terra Amata à Nice. Ils se sédentarisent il y a environ 10 000 ans, avec élevage, agriculture et céramique. La présence de nombreuses grottes dans le quartier des Huchanes en témoignent, comme celle de Fontbregoua, découverte par Jean Courtin, en 1974". Le vallon St Barthélémy, très encaissé, représentait un lieu protégé où les animaux pouvaient être élevés en sécurité. "Il a été habité jusqu'à l'an 1000".
Le château, bâti sur un éperon rocheux plus au sud, permet de surveiller les environs. De la construction en bois à l'origine, il ne reste plus rien, et aujourd'hui, la construction de pierre est en ruine."Les habitations se regroupent autour de l'édifice, et peu à peu, le village descend en strates, pour arriver vers l'église St Pierre autour du 16ème-17ème siècle".
L'EGLISE SAINT PIERRE
STYLE ROMAN ET PIERRE CALCAIRE
"Construite au 13ème siècle, l'église Saint Pierre se trouve alors à l'extérieur du village, ce qui est plutôt rare". Autre particularité : elle possède deux clochers. De style roman cistercien, elle rappelle l'Abbaye du Thoronet. "Sa nef mesure 32 m de long et 10 m de haut. Sa construction a été calculée sur le nombre d'or".
Avec l'essor de la céramique au 16ème siècle, le village se développe et connait une certaine prospérité. "A cette époque, l'église est rehaussée, et au 17ème siècle, elle s'orne d'une pendule, et d'un campanile payé par les paroissiens".
"Un bas-côté est également rajouté, avec voûte en berceaux légèrement brisés". Bien visible sur la porte, l'inscription "REPUBLIQUE FRANCAISE LIBERTE EGALITE FRATERNITE", date de 1905.
EN REMONTANT LA RUE VOLTAIRE
"Remonter la rue Voltaire, c'est remonter deux cents ans en arrière", souligne Marie. Chemin faisant, nous admirons le travail des génoises de forme arrondie, et les vieilles portes ouvragées. "Les maisons étaient alors de la largeur d'une poutre. Au premier étage, le lieu de vie. Au second, l'espace consacré à une deuxième activité comme le traitement des vers à soie, ou un atelier quelconque. Le grenier était réservé aux stocks, et on voit encore les poulies servant à monter les marchandises". Les caves voûtées, en tuf, accueillaient les animaux, et certaines ont conservé les râteliers et mangeoires. Les maisons étaient imbriquées les unes dans les autres. "Au fond de la rue, on aperçoit ce qui était l'ancien mur d'enceinte. Il n'y a pas de fortification, et les constructions suivent la courbe de la colline".
Et nous voici à la Rue Vieille. "Elle n'en a que le nom, car elle a été percée en fait en 1780, pour accéder plus facilement en haut du village, où se trouvent les moulins : quatre moulins à huile et deux à blé. Il s'agissait de moulins à eau, sauf un, un "moulin à sang", qui fonctionnait avec quatre mulets. C'est celui qui avait le rendement le plus bas"
( Les "moulins à sang" pouvaient aussi être actionnés par des esclaves. Ce sont les premiers moulins utilisés pour remplacer le pilon dans un mortier.)
RUE DU MURIER
Une petite grimpette et nous atteignons la rue du Mûrier. D'un côté, la maison de Frédéric Escolle, tailleur de pierre. Né à Salernes en 1815, il est reçu Compagnon à Marseille en 1834, sous le nom de Joli-Coeur de Salernes.
Poète, chansonnier, c'est un pacifiste qui fera sept ans de service militaire après tirage au sort, puis ira vivre à Paris où il aura un rôle majeur dans la grande manifestation de réconciliation compagnonnique en 1848.
Après la guerre de 1870, il se dévouera entièrement au compagnonnage, sans se préoccuper de sa situation matérielle. Sans
ressources personnelles suffisantes, il finira sa vie avec son épouse à l'hospice d'Ivry où il mourra en 1902. (J.Michel Mathonière)
De l'autre côté, la fontaine dont les sculptures représentent deux visages humains, et les attributs féminins. "L'eau est le symbole de la femme, et l'éducation des filles se faisait souvent à la fontaine". Une autre fontaine célèbre, celle de la Place de la Révolution, inscrite au titre des monuments historiques depuis 1926.
"L'eau arrive au village au 14ème siècle", explique Marie, "grâce au canal creusé depuis le Vallon Saint Barthélémy. Elle coule depuis le château, et on trouve des fontaines à tous
"les paliers".
AU PIED DU CHATEAU
Nous poursuivons notre ascension pour atteindre les plus anciennes maisons du village (11ème-14ème siècle), petites constructions en pierre de tuf. "C'est la première ceinture de Salernes. Et à proximité, la zone où étaient logés les italiens venus travailler la céramique. Journaliers au départ, ils ont fini par fonder des familles et s'installer".
LE CHATEAU
Longeant les canaux où l'eau s'écoule en abondance, nous arrivons enfin au château, aujourd'hui en ruines. "Le premier château, en bois, a été édifié au 11ème siècle. Sur ce piton, on distingue les accès à Draguignan, Aups, Tourtour et Sillans".
L'édifice en pierres, du 13ème siècle, est ravagé par un incendie au 17ème siècle, puis pillé à la Révolution. "Il a appartenu aux familles de Ponteves et de Castellane, par mariages successifs. Des figuiers avaient été plantés tout autour du château. C'était une nouvelle denrée, qui a bientôt rapporté autant que la vigne et l'olivier".
LA MINOTERIE
Nous redescendons vers la minoterie de Fernand Lebre, rue des Moulins, en suivant le canal. "Un même canal faisait tourner plusieurs moulins. Salernes compte 17 kilomètres de canaux d'irrigation".
Le bâtiment, dont les portes sont gravées au nom du propriétaire (F.L.), s'élève sur trois étages. "les machines sont encore en excellent état, mais personne ne sait les faire fonctionner aujourd'hui. L'exploitation de la minoterie a cessé en 1955. On y fabriquait diverses farines, et on pouvait y moudre 7 tonnes de grains par 24 h. L'ensachage avait lieu à l'étage".
LE VIEUX MOULIN
Propriété communale, le vieux moulin à huile n'est plus en service. "Il fait partie 'un complexe économique vital pour Salernes à partir du 17ème siècle", précise Robert Ponzo. "La quasi-absence de seigneurs locaux à l'époque permet aux habitants de s'approprier le droit de l'eau, donc de moulinage. Ils possédaient des chevaux, des boeufs. Salernes est alors un village d'ouvriers et de journaliers. Au 18ème siècle, on dénombre 4000 à 4500 habitants".
Dans la continuité du canal de Saint Barthélémy, le moulin fonctionne avec une roue à aubes, et on y travaille jour et nuit. "Après broyage des olives, on récupère une première huile de surface, la meilleure. Puis les olives déjà écrasées sont placées dans des scourtins (petits paniers), sous presse, et on récupère une deuxième huile. Enfin, les grignons sont utilisés soit pour nourrir les animaux, soit comme savon, soit pour s'éclairer. (un tel moulin est encore en fonctionnement à Tourtour)
ORIGINE DU NOM "SALERNES"
Quelle est l'origine du nom de Salernes ? "Certains pensent que cela vient du mot "sel", le village étant sur la route du sel, entre Hyères et les Alpes. On évoque aussi un terme désignant des collines escarpées avec de l'eau. Enfin, il pourrait s'agir d'une allusion à Salerne en Italie..."