Situé aux portes des Alpes, d'où l'origine de son nom, le village d'Aups, dans le Haut Pays Varois, a conservé un charme indéniable. Son histoire s'est brusquement précipitée au siècle dernier, avec l'arrivée du train dans la région, et l'ouverture au marché extérieur. Puis la vallée des Salles sur Verdon a fait place au Lac. C'est ainsi qu'Aups est passée de l'autarcie à une économie largement tournée vers le tourisme. Dans le cadre du Patrimoine "métiers-savoir-faire et pratiques d'antan à Aups", l'Association de Défense des Sites et de l'Environnement de la Commune d'Aups, avait convié Gérard Barjot, dont la famille est installée sur le domaine de Gipierre au village, à conter ce périple dans le temps.
L'AUTARCIE UNE GRANDE FAMILLE
"Jusqu'en 1900, c'est-à-dire environ jusqu'à l'arrivée du train, les habitants vivaient en autarcie. Le village regroupait les artisans, les gens de lettres comme le notaire, et les agriculteurs vivaient dans les fermes environnantes. Tout était fabriqué sur place, comme dans une grande famille, quasiment sans aucun échange".
Au fil de ses évocations, Gérard dessine les paysages d'alors, où chaque mètre carré cultivable était cultivé, et où dominent restanques - petits murets de pierre - et faïsses, ces étroites bandes de terre d'à peu près 3 mètres de large, travaillées à la houe, puis à l'araire et la charrue, où la faux n'a jamais pu remplacer la faucille."On retrouve ces restanques entre Aups et Tourtour, et aux environs de la décharge de Salernes".
On y fait pousser des céréales : froment, blé dur, seigle et avoine ; des légumineuses :
pois chiches, lentilles et fèves, que l'on conservera l'hiver. Sans oublier la vigne et l'olivier. "Les oliviers mesuraient 5 à 6 mètres de haut. La
plupart du temps, on attendait que les olives tombent... Le moulin à huile travaillait jusqu'à fin mars, on comptait 50 fois plus d'olives qu'aujourd'hui". Et chacun possède un potager. "On cultivait également le lin, seule
matière utilisée pour s'habiller, avec la laine. Les femmes le filait l'hiver, et le portait au tisserand, qui confectionnait draps et pièces de tissu".
Semailles à la volée avec une partie des semences récupérées, récolte à la faucille, mise en gerbes
par femmes et enfants, battage. "Des chevaux qui tournaient foulaient les gerbes pour séparer les grains de
la paille, puis le grain était débarrassé de son enveloppe à l'aide de rouleaux en pierre ou en acier. Chaque ferme possédait son aire de battage, et il y avait 3 aires de battage municipales au
village. Aujourd'hui transformées en parking".
De nombreuses familles avaient un moulin à blé composé d'une meule fixe, et d'une autre qui tournait. "A la fin du 5ème siècle,
est apparu le moulin à eau, puis après les croisades, le moulin à vent, remplacé désormais par les minoteries". On laissait encore la terre en jachère, une année sur deux ou sur trois. "On y
faisait paître les moutons, on y faisait aussi les foins. Les foins coupés étaient retournés pour les sécher, à
l'aide d'un grand râteau en bois, puis on les rassemblait en meules, que l'on abritait sous un toit de glaise ou de chaume. On appelait ces toits les barjots (d'où le nom du village de Barjols).
Les foins représentaient un énorme travail, auquel toute la famille participait".
Gérard a insisté sur l'activité des femmes qui comportait, outre la participation au travail agricole, les soins à la basse-cour, la
lessive, "une grande lessive pour le linge de maison, une ou deux fois par an, qui pouvait se dérouler sur
un ou deux jours, et la lessive courante au lavoir". Il se souvient encore des femmes cassant les noix, noisettes et amandes avec un petit maillet, assises devant leur
porte. "Elles fabriquaient également des bijoux, sur fil de fer galvanisé, ou fil de cuivre. C'étaient des parures pour
les mariages, les enterrements, ou certaines cérémonies".
LE TRAIN L'OUVERTURE VERS L'EXTERIEUR
En avril 1888, un premier tronçon de la ligne "Central Var", Draguignan - Salernes, est ouvert. "L'arrivée du train et des produits manufacturés de Toulon, Marseille, Nice, à moitié prix et de meilleure
qualité, entraine la disparition des artisans, et tout d'abord des tanneurs. Le bourrelier et le maréchal ferrant survivent encore un moment". C'est aussi la fin des petites exploitations. "Une
famille vivait sur deux hectares de terre, et louait ses services au moment des récoltes pour travailler sur les grands domaines. Cela devient impossible".
Le blé est apporté par le train en
sacs de 50 kilos. Plus tard, les cultivateurs s'approvisionneront en variétés hybrides, au meilleur rendement, et non ré-ensemençables. Des outils nouveaux apparaissent, comme la moissonneuse
tirée par un cheval. "Une machine pas vraiment démodée, car j'étais à Leipzig (Allemagne) quelques jours avant la chute du mur de Berlin (novembre 1989), et les champs étaient alors labourés
ainsi".
A partir de la guerre du Mexique (1861 - 1867), des denrées nouvelles sont introduites : maïs, tomates, haricots...
"Les haricots viennent remplacer les fèves, et le cassoulet n'en est que meilleur !", remarque Gérard. "La culture du maïs à Aups prend de l'importance, et je me souviens avoir dormi sur une
paillasse garnie de paille de maïs, très confortable... mais qui faisait un bruit épouvantable quand on se retournait !"
A la fin du 19ème siècle, début du 20ème, la bougie (l'équivalent de 4 chandelles), puis la lampe à pétrole (l'équivalent de 4 bougies),
révolutionnent la vie quotidienne. On peut travailler le soir. Puis l'électricité apparait, juste avant la dernière guerre. Date à laquelle on voit le premier tracteur à Aups. "Les roues étaient en acier. Il faut savoir que le
tracteur est à l'origine un engin militaire, et on a vu des générations de tracteurs différents après chaque guerre.
Les premières machines à laver datent, quant à elles, de 1950, et l'on peut noter qu'une "Laden" coûtait à l'époque le même
prix qu'une "quatre chevaux".
Enfin, les conditions de travail s'améliorent. La journée de travail de 18 heures passe à 12 heures en 1898, et elle est entrecoupée d'une pause
déjeuner d'une demie-heure en 1934, sous l'impulsion des Syndicats de Chemin de Fer.
LE LAC DE SAINTE CROIX UN DEBOUCHE TOURISTIQUE
Le lac créé en 1974 par le barrage de Sainte Croix sur le Verdon, et à une vingtaine de kilomètres au nord du village, marque une
nouvelle accélération dans la mutation du monde agricole. "Le lac est un symbole ici...
L'agriculture traditionnelle n'est économiquement plus possible. Là où les machines ne passent pas, les cultures ne sont plus rentables. Un phénomène climatique
imprévu au moment de la construction du barrage apparait aussi : il pleut à Aups 18 jours de moins par an qu'auparavant. La température de cette énorme masse d'eau (750 millions de mètres
cube) créé un barrage thermique, qui stoppe les nuages". Les terres cultivables sont vendues chaque fois que c'est réalisable, et Aups, comme bien d'autres villages de la région, se tourne vers le
tourisme.
"Aujourd'hui", souligne Denis Plaisir, président de l'A.D.S.E.C.A., une seule famille d'agriculteurs
demeure sur la commune, et selon le Plan Local d'Urbanisme, les terres agricoles d'Aups, sont préservées".
A.D.S.E.C.A. PROJET PATRIMOINE
La conférence "Moissons et Fenaisons", ainsi que l'exposition sur la vie agricole d'antan, se sont déroulées début août 2012, dans
le cadre du projet Patrimoine "Métiers, Savoir faire et Pratiques d'Antan à
Aups". Un projet visant à rassembler tous les documents concernant la vie quotidienne du village depuis 1850. Pour partager ces connaissances avec un
maximum de personnes. Elaborer un ouvrage collectif sur le sujet, voire créer une exposition permanente à Aups. Un premier thème avait déjà été exploré : l'olive. Jean-Maurice Mathias, vice-président de l'association, pilote plus particulièrement ce projet, et recueille tout renseignement utile.
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