C'est dans la zone artisanale du Muy, à quelques minutes en sortant de l'autoroute A8 pour prendre la route de Draguignan, que se trouve le Centre de tri et de valorisation des déchets, qui dessert les deux tiers du département du Var. N'en déplaise à certains qui pensent encore que les poubelles de tri ne sont qu'une façade et que nos ordures finissent toutes en enfouissement ou en incinération, elles arrivent bien ici pour une seconde vie, à raison de 120 000 tonnes par an pour 800 000 habitants en basse saison, et le double durant l'été. La société Valeor, filiale de Pizzorno Environnement, gère cette usine qui emploie 70 à 100 personnes selon la saison, et qui a été mise en route en 2007.
LE TRAITEMENT DES DECHETS : UNE INDUSTRIE
Dans la cour, un amoncellement de déchets en vrac ou dans des bennes d'un côté, de l'autre des balles de plastique conditionnées, prêtes pour le départ vers une nouvelle destinée. Et le va et vient incessant des camions... Pas d'odeur nauséabonde comme on pourrait s'y attendre, malgré la chaleur intense de cette fin du mois de mai 2018. Par contre, de la poussière, et surtout, à l'intérieur du bâtiment, le bruit infernal des machines.
Pascal Delattre, le directeur de l'établissement, se targue d'être à la tête d'«un des centres de tri les plus performants en France». Ouvert en 2017 avec un investissement de 6 millions d'euros, il ne cesse de se perfectionner au fil des ans, avec l'acquisition de machines permettant un tri de plus en plus pointu.
Le recyclage ne date pas d'hier et «... si les sources sont trop pauvres pour certifier son apparition dès l’âge de bronze (de moins 3000 à moins 1000 avant JC), les historiens ne doutent pourtant pas que le principe du recyclage ait accompagné le développement des premiers artisanats humains.» (Paprec, histoire du recyclage dans le monde). Avec l'essor de l'industrialisation, et beaucoup plus récemment, la conscience des problèmes environnementaux , le traitement des déchets s'accélère. « Aujourd'hui », explique Pascal Delattre, « il passe au niveau industriel, et 70% du travail est réalisé par des machines. Nous allons vers une rationalisation avec deux centres de tri par département. Dans le Var, il en existe un second à La Seyne/Mer, tenu par Veolia, qui dessert Toulon et les agglomérations proches. A l'horizon 2025, la France qui compte 250 centres de tri, va en perdre une centaine. Ceux qui resteront auront une capacité de traitement de 30 000, 40 000 , voire 60 000 tonnes». Le centre du Muy est privé (il appartient à Pizzorno), mais d'autres appartiennent aux collectivités. «Il sont alors en régie, ce qui est de plus en plus rare, ou en Délégation de Service Public, comme à Grenoble».
LES MACHINES
Le recyclage peut consister en création d'énergie, avec l'incinération des déchets, comme dans l'usine de Toulon, la ré-utilisation des objets, comme cela se fait dans les ressourceries : il vient de s'en créer une à Villecroze, ou par valorisation de la matière, comme au Muy.
L'organisation de la collecte des déchets est assurée dans le Haut Var par la Communauté de Communes de Draguignan, et leur parcours commence aux points d'apports volontaires ou en ramassage par le porte à porte. “Lorsqu'un camion-poubelle arrive, il déverse une partie de ses déchets dans 4 bacs de 650 litres”, explique Pascal Delattre. “Deux d'entre eux sont tirés au sort pour effectuer un tri intégral et une pesée qui sont censés représenter l'ensemble du chargement. Un logiciel permet de calculer ainsi le tonnage complet des marchandises, et ce qui reviendra à chaque collectivité. Nous remplissons de ce fait 2 objectifs : voir ce qui rentre, et sa qualité”.
Vient ensuite la séparation granulométrique, où les objets sont récupérés à travers des mailles de différents calibres. “On sépare les “creux”, les contenants, des “plats”, papiers et cartons”.
Puis le crible balistique qui s'effectue sur un plan incliné, affine la sélection : “les creux restent en bas, les plats montent”.
Les objets ferreux sont triés par l'overband, grâce à son aimant.
Le trieur optique, quant à lui, photographie les déchets, dont l'image est envoyée sur un ordinateur qui pilote une rampe d'éjection fonctionnant à air comprimé.“Les erreurs sont rectifiées par le personnel”.
Papier, carton et plastiques finissent sous une presse à balles. “Ce sont des balles d'1 m3. Celles de papier-carton pèsent 1 tonne à 1,2 tonnes. Celles de plastiques, 400 kgs”.
Si le centre du Muy traite de plus en plus de déchets : verre, papiers et cartons, emballages en plastique (bouteilles, flacons, briquettes alimentaires), barquettes en polystyrène, emballages souples... Ainsi que l'acier et l'aluminium, et même dernièrement, l'aluminium des capsules de café grâce à un partenariat avec Nespresso, TOUS les déchets ne sont pas censés finir ici.
Malgré des campagnes répétées auprès des municipalités et des habitants, et des explications claires figurant sur les colonnes de tri, les employés trouvent régulièrement textiles, pneus, et cadavres d'animaux : “chiens et chats toute l'année, morceaux de chevreuils et sangliers en période de chasse, ou de moutons lors de la fête de l'Aïd. Nous ne traitons pas les déchets dangereux, mais nous en recevons : piles, batteries, extincteurs, déchets hospitaliers... Les déchets dangereux ne partent ni en incinération, ni à Balençan en enfouissement. Nous payons pour les faire reprendre. Il s'agit d'un tarif inclus dans les prix que les collectivités paient au Centre de Tri”. Car les collectivités demeurent propriétaires de leurs déchets et paient une prestation à la tonne. Avec un taux de refus de 7% à 8% par an sur 30 000 tonnes entrantes, Pascal Delattre s'estime satisfait. “Les centres de tri classiques génèrent un taux de refus de 12% à 13% en général. A Grenoble, c'est plutôt 40%”. Tout dépend aussi de l'habitat : en ville, le tri est souvent plus difficile, on n'a pas toujours la place d'entreposer les déchets. “Il est important de comprendre”, souligne Pascal Delattre, que "plus le Centre est performant , moins il aura de refus. Plus il valorise les déchets, plus les collectivités auront de soutiens". En effet, CITEO (fusion d'Eco-emballages et d'Ecofolio) reverse aux collectivités des soutiens au pro-rata des tonnages valorisés.” Par exemple, l'an dernier, il s'agissait de 800 millions d'euros”.
UNE NOUVELLE VIE
Papiers et cartons repartent en papèterie pour refaire du papier et du carton. “Mais on ne recycle le papier que 5 fois environ. Car la fibre se raccourcit au fur et à mesure du recyclage, et il faut toujours, à un moment, rajouter du bois. En France, 2 entreprises se chargent de ce travail : l'une à Rouen, l'autre Epinal. Le cartonnier le plus proche se trouve dans la Drôme”.
L'acier part à Fos/Mer chez ArcelorMittal et l'aluminium à Compiègne chez Regeal Affimet. “Ces deux matériaux ont l'avantage d'être recyclables à l'infini”.
Le petit aluminium, que le Centre de tri récupère depuis 2000, part en pyrolyse en Allemagne.
Séparés selon le groupe auquel ils appartiennent, les plastiques deviendront nouvelle bouteille, fibre pour tissu polaire, couette, oreiller, barquette, tuyaux de drainage... ou serviront dans l'industrie automobile.
“Une société en Haute Loire, refait des sacs poubelle noirs avec les films plastiques”.
Les bois non traités, comme les palettes, seront broyés à Cabasse pour faire des plaquettes. “Le bois traité, comme le bois d'ameublement part dans le Piemont italien où l'on en fait des particules pour IKEA”.
TRIONS !
TRIONS ! Pour soulager les décharges (celle de Balençan ferme) et usines d'incinération (qui rejettent encore des polluants et contribuent au réchauffement climatique), et pour freiner, dans la mesure du possible, la disparition de nos matières premières...
Cependant au final, quel bilan peut-on faire ? Quelle énergie pour la collecte, le tri, le transport des matériaux récupérés ? Pascal Delattre déclare lui-même qu”'il ne tient compte que des contraintes financières...” Bilan carbone et pollutions ne représentent pas des critères de choix dans le fonctionnement de l'entreprise.
A quand la prise en compte des contaminations industrielles sur la santé par les dirigeants ? Les ingénieurs travaillent sur les emballages et sur des machines de plus en plus performantes pour en faciliter le recyclage, mais quand cela favorise l'emploi d'emballages aberrants pour des produits de luxe comme les capsules Nespresso, où est la logique d'une économie d'énergie et d'une protection de l'environnement ? Seule compte la logique financière...
L'objectif premier demeure bien la réduction drastique de nos déchets .