La Roquebrussanne(83)

"LE DIABLE S'HABILLE EN TAFTA"

Non au Traité Transatlantique avec José Bové

 

Depuis juillet 2013, les Etats Unis et l'l'Union Européenne ont entamé des négociations pour un Accord de Partenariat Transatlantique (ou Transatlantic Free Trade Area : TAFTA). Un traité de libre échange qui, s'il est signé, affirmera la suprématie des grosses entreprises sur les lois propres des états. "Ce qui se passe en agriculture est très révélateur de la tactique des multinationales", a développé José Bové, député européen, membre de la Commission Agricole, lors de la Fête de l'Agriculture Paysanne, à La Roquebrussanne dans le Var, le 20 septembre 2014.

La Roquebrussanne, un village en Provence Verte dont le maire, Michel Gros, encourage une agriculture de qualité à échelle humaine.


ELARGIR LE COMMERCE AGRICOLE MONDIAL

J.C.Marfaing du collectif "Stop TAFTA 83", José Bové, Michel Gros maire de La Roquebrussanne, Sylvain Apostolo de la "Confédération Paysanne
J.C.Marfaing du collectif "Stop TAFTA 83", José Bové, Michel Gros maire de La Roquebrussanne, Sylvain Apostolo de la "Confédération Paysanne

"En 1982 déjà", explique José Bové, "l'OCDE ( Organisation de Coopération et de Développement Economique) indiquait noir sur blanc dans l'un de ses rapports : "L'objectif de l'agriculture n'est plus de nourrir les gens là où ils habitent, mais de faire du commerce avec les continents".

Et le rouleau compresseur se met en route. Le GATT (General Agreement on Tarrifs and Trade, ou Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce), un accord signé en 1947 par 23 pays à l'origine, élargit ses ambitions pour inclure agriculture et services dans les négociations internationales. En 1994, c'est la création de l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce), l'"âme de la mondialisation. Sa politique ne fait pas toujours l'unanimité. "Les citoyens de la planète se battent pour la dénoncer, que ce soit à Seattle en 1999, à Doha en 2001, à Hong-Kong en 2005..." Sans toutefois enrayer le processus en marche.

"Depuis les années 2000, se développe alors une vague de négociations menées soit par les USA, soit par l'Australie, soit par l'Union Européenne, pour créer des espaces de libre échange. Contrairement à ce que pourrait laisser entendre ce terme, il s'agit en fait de projets contraignants, dont le seul but est de renforcer le pouvoir de ceux qui commercent d'un continent à l'autre."

Premier exemple : l'ALENA (Accord de libre échange Nord Américain), entre le Mexique, les USA et le Canada, signé en 1992, entré en vigueur en 1994. "Devant l'échec de l'élargissement de ce traité à l'ensemble de l'Amérique, de nombreux accords bilatéraux, pays par pays, ont vu le jour : avec la Colombie, les Pays Andins, etc... Et l'UE a lancé ses propres négociations. Aujourd'hui, on se retrouve avec quelques 400 accords de libre échange dans tous les sens. Ils reprennent au départ les règles de l'OMC, mais en allant plus loin encore. Ce sont les accords "OMC-plus", pour plus de libéralisation. Dans le même temps, l'UE traite plusieurs accords passés sous silence : avec l'Amérique Centrale, les Pays d'Afrique de l'Ouest, et le Maroc l'année dernière."

LA LOGIQUE INDUSTRIELLE

Le but des multinationales de l'agro-alimentaire est d'élargir le commerce agricole mondial.

"Aujourd'hui, si l'on considère l'ensemble des grandes productions agricoles -céréales, viande, produits laitiers, fruits et légumes-, on constate que 10% seulement de la production mondiale circule d'un continent à l'autre. Le reste est consommé sur place.

La première obligation en matière de libre échange agricole concerne les volumes." Le projet de ferme-usine des "Mille Vaches"  en Picardie suscite bien des controverses... "Aux USA, il existe des fermes laitières de 50 000 vaches sur la côte ouest, et des exploitations industrielles de viande de 100 000 à 300 000 têtes de bétail sur des aires en béton. Cela n'a plus rien à voir avec l'agriculture. L'alimentation est choisie chaque jour en fonction de la bourse des céréales de Chicago... On est dans une logique industrielle."        

Mais même les intérêts d'entreprises plus modestes peuvent faire des dégâts considérables. On peut citer l'accord signé entre l'UE et le Maroc, pour importer chez nous tomates, courgettes, fruits... "Non pas pour permettre au petit paysan marocain de vivre de ses cultures. Mais uniquement pour autoriser deux entreprises françaises travaillant au Maroc, dont l'une a son siège à Châteaurenard et l'autre à Perpignan,  à faire revenir leur production estampillée marocaine. Et à côté, l'industrie agro-alimentaire nationale peut faire entrer ses produits sans taxe au Maroc...

C'est ce type de modèle que défendent les légumiers de la FNSEA ( Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles) qui ne jurent que par l'exportation". Leur tactique : "produire en quantité industrielle, puis demander aux pouvoirs publics de financer les exportations de surplus qui n'ont pu être mises en place sur le marché local."

DES REGLES FIXEES PAR LES INDUSTRIELS

José Bové : "les normes doivent répondre aux intérêts des entreprises"
José Bové : "les normes doivent répondre aux intérêts des entreprises"

La deuxième obligation pour faire circuler l'agriculture à travers les continents est la modification des règles. "Chaque pays possède des normes sanitaires qui ne peuvent cohabiter avec la logique de l'agriculture industrielle. Le grand objectif du libre échange est de ramener vers le bas l'ensemble des normes sanitaires." Si l'on est parvenu en Europe, grâce aux combats citoyens, à améliorer la situation, que ce soit à propos de l'interdiction des hormones, ou des conditions d'élevage et d'abattoirs, il n'en est pas de même aux USA.

"L'un des buts des producteurs de viande comme Tyson, premier producteur mondial de viande, est d'imposer les standards états-uniens.

Ce n'est plus la collectivité qui fixe les normes, ce sont les industriels. Elles doivent répondre aux intérêts des entreprises. Depuis 150 ans maintenant, il n'y a plus aux USA de service vétérinaire pour suivre les abattoirs, et toute la responsabilité en incombe aux industriels. C'est pourquoi il a été imposé le lavage des carcasses de poulets à l'eau de javel, ou le traitement de carcasses de bovins à l'acide lactique pour éliminer tous les germes..."

DES TRIBUNAUX PRIVES

On introduit alors ce qui est prévu dans tous les accords de libre échange : la règle des tribunaux privés chargés de solutionner les litiges entre états et entreprises. "Chaque fois qu'une entreprise verra ses profits menacés, elle pourra saisir ces tribunaux arbitraux pour dénoncer les règles de l'état qui vont à l'encontre de ses intérêts, et l'empêche de se développer : règles sur les OGM, les hormones de l'élevage, etc..." Ces tribunaux interviendront partout, non seulement dans le domaine de l'agriculture, mais sur l'ensemble des activités, et notamment sur les services.

LE DROIT DEMOCRATIQUE ET UN CHOIX DE VIE


"C'est l'Europe qui a été le moteur du Traité Transatlantique", souligne encore José Bové. "Les multinationales européennes ont voulu cet accord dans le secteur des services. Car aux USA, chaque collectivité locale choisit ses règles de protection pour les appels d'offre... Ce qui pose problème à des entreprises comme Véolia, ou aux compagnies d'assurances..."

Porté par José Manuel Barroso président de la Commission Européenne, et Karel De Gucht commissaire au commerce extérieur, le TAFTA est également contesté aux USA. La mobilisation a lieu des deux côtés de l'Atlantique.

 

"Aujourd'hui, la pression est en train de se faire, et il est important que les Conseils Régionaux, les Conseils Généraux, les élus locaux, les députés, soient saisis les uns après les autres pour leur demander : "acceptez-vous que le droit privé, les tribunaux arbitraux, priment sur le droit démocratique, le droit issu de la loi ?"

 

Lutter contre ce traité de libre échange, c'est mener un combat pour le respect du droit démocratique, mais aussi pour un libre choix de vie au quotidien, et de développement. "Si l'on veut des services publics, des services gérés par les collectivités, on doit pouvoir le faire. Si l'on veut défendre une agriculture liée à un territoire pour nourrir la population, cela doit prendre le pas sur la logique du marché international."

LA ROQUEBRUSSANNE : UNE IDENTITE RURALE PROTEGEE

J.C.Marfaing, José Bové, Michel Gros, Sylvain Apostolo
J.C.Marfaing, José Bové, Michel Gros, Sylvain Apostolo

Michel Gros, maire de La Roquebrussanne depuis 2008, a pris l'engagement de préserver la totalité des terres agricoles de sa commune, soit environ 1100 ha, et de les classer en Zone Agricole Protégée, pour les sortir définitivement du marché spéculatif. "Les Roquiers, agriculteurs ou non, sont tous passionnément attachés à l'identité rurale de notre commune, au maintien des paysages et de son économie agricole", affirme-t-il. En soulignant l'importance du rôle des maires dans l'évolution foncière des territoires, par l'intermédiaire des PLU (Plan Local d'Urbanisme) et des SCOT (Schéma de Cohérence Territoriale).

A La Roquebrussanne où l'agriculture (et tout particulièrement la viticulture), demeure l'activité principale, les paysans sont encouragés à tenir compte de l'environnement. "Nous sommes sur le bassin versant à risque du Caramy/Issole. Il s'agit de préserver les ressources en eau, et de réduire l'impact des pesticides sur les nappes phréatiques." Aussi, dès le premier mandat de Michel Gros, une délibération municipale exonérait de la taxe sur le foncier non bâti, les terres converties en bio. Des locaux vont être mis à disposition pour héberger une future AMAP, et les élus ont le projet de créer un point de vente collectif.

"Il faut faire entendre notre point de vue aux dirigeants qui cèdent, un peu trop facilement à mon goût aux sirènes trompeuses des multinationales, sous prétexte de création de croissance et d'emplois, toujours délocalisables." l'exemple de La Roquebrussanne

LA CONFEDERATION PAYSANNE

 

La Confédération Paysanne, un syndicat d'agriculteurs quia fêté ses 20 ans en 2007, était représentée par Sylvain Apostolo, éleveur à Sillans La Cascade. Ses buts : la défense des paysans, et le développement d'une agriculture alternative au modèle de la politique industrielle.

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COLLECTIF STOP TAFTA 83

 

J.C.Marfaing du Collectif Stop TAFTA 83 a lancé un appel à la mobilisation et rappelé les dates des prochaines manifestations : le 10 octobre 2014 à Draguignan, et le 11 octobre 2014 : journée européenne d'action contre le TAFTA.

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