CULTURE BIO

Correns 1er village bio de France

1ère partie

Les pêcheurs de lune

Pêcheurs de lune, les corrensois ? C'est ce qu'affirme la légende selon laquelle, l'un d'entre eux, pêcheur rêveur, aurait cru attraper la lune se reflétant dans la rivière, et brutalement cachée par un nuage... Un joli conte qui semble devenu réalité : l'exceptionnelle démarche de ce village envers la protection de l'environnement naturel, que certains auraient qualifiée d'utopique au départ, lui permet de revendiquer le titre de 1er village bio de France.

Le village de Correns se niche dans une boucle de l'Argens, à l'ombre du Bessillon, au coeur de la Provence Verte. En 1997, et sous l'impulsion du maire, Michaël Latz, ingénieur agronome et vigneron, la majeure partie des agriculteurs s'est convertie à l'agriculture biologique. Depuis, la viticulture a connu un nouvel essor, et la municipalité soutient aujourd'hui les habitants soucieux de la Haute Qualité Environnementale en matière d'habitat.

Debats sur l'environnement 

des solutions alternatives pour un constat accablant

association Bioconsom'acteurs
association Bioconsom'acteurs

"La fête du Bio et du Naturel", créée en 2000 par les Maitres Vignerons Bio du village, regroupait en août 2009 plus d'une centaines d'exposants proposant aliments biologiques, matériaux de construction écologiques, vêtements en fibres écologiques de coton et de chanvre, etc... Films, conférences et débats animés sur l'environnement se sont déroulés tout au long d'un week-end : des solutions alternatives pour un constat accablant.

 

" PESTICIDES... NON MERCI !"

Après la projection du film "Pesticides... Non merci !" de JP Vincent, M Crozas et M Peyronnard, Angelo Sanfilippo, chimiste et chercheur en retraite, correspondant régional du Mouvement pour le Droit et le Respect des Générations Futures, et Georges Olivari, directeur de la Maison Régionale de l'Eau de Barjols (83), apportent quelques précisions. "On ignore les méfaits des pesticides, comme on ignorait ceux des microbes au 18ème siècle", explique Angelo. Tandis que Georges souligne que "la vie du sol est incompatible avec les pesticides."

 

LE MANQUE D'INFORMATION : UNE FORME DE DICTATURE

Introduits sur le marché dans les années 50, officiellement pour juguler la disette de l'après-guerre, les pesticides sont dorénavant présents dans tous les fruits, légumes et céréales cultivés de façon conventionnelle. "Ils en contiennent des taux très importants, comme dans le raisin." L'inquiétude de certains consommateurs est-elle fondée ? Certes, selon Georges, qui rappelle que "nous ne disposons que d'une information partielle. De nombreuses lacunes existent au niveau des tests effectués : l'effet des mélanges n'est pas évalué, et il n'y a pas de dose seuil pour une molécule cancérigène. Comment parler de norme en matière de toxiques ? Quant aux OGM, ils fonctionnent avec des pesticides comme le Roundup (dont il faut noter que les molécules de dégradation sont encore plus dangereuses que le produit source) ; ou bien, la plante est manipulée pour fabriquer elle-même un pesticide. Le manque d'information est la pire des choses, et représente une forme de dictature."

Les effets constatés ? Si la relation de cause à effet n'est pas toujours facile à mettre en évidence (d'autant que les intérêts industriels en jeu sont considérables !), on ne peut nier l'impact des pesticides sur la santé. "Chez les consommateurs, les résidus contenus dans les aliments s'accumulent dans l'organisme...On constate, en particulier chez les agriculteurs utilisateurs de pesticides, une flambée de cancers hormonaux, ou de maladies neurologiques ; certains pesticides sont des perturbateurs endocriniens ou des neuro-toxiques... Les effets combinés des molécules, ainsi que les effets sur le long terme, qui ne sont jamais pris en compte dans les études, restent inconnus. Il est  temps d'arrêter leur utilisation, et d'appliquer le principe de précaution."

 

PAS D'OBJECTIF BIO EN FRANCE

Angelo Sanfilippo et Georges Olivari
Angelo Sanfilippo et Georges Olivari

Prise de conscience des consommateurs ? Des dirigeants ? Outre une rotation des cultures, l'agriculture biologique demande plus de main-d'oeuvre pour un rendement parfois plus faible. "Or l'aide est distribuée aux agriculteurs conventionnels. Par ailleurs, la formation à la bio demeure peu importante ; nous souhaiterions monter une cantine bio à Barjols, mais nous n'avons pas les ressources pour l'alimenter. Il n'y a pas d'objectif bio en France de la part de l'Etat qui subventionne l'agriculture conventionnelle, et laisse les frais consécutifs à la charge de la société... Les espèces disparaissent ; on l'observe par exemple, dans les eaux de la Durance, où les pesticides entrainent des effets mutagènes sur les poissons." Et de souligner que la pollution s'étend à toute la planète, par la contamination de la pollution atmosphérique. Pollueur-payeur? "1% des frais de pollution reçu par les agences de l'eau est payé par les agriculteurs."

Si les partisans du bio sont parfois découragés, comme cette enseignante niçoise qui remarque que "les discussions tournent toujours entre personnes déjà sensibilisées", reprochant à l'Education Nationale "son manque d'intérêt pour l'hygiène alimentaire dans les cantines", Georges affirme avoir de nombreuses demandes d'information de la part des milieux scolaires "qui ont effectué un très gros travail au niveau de la prise de conscience des problèmes de l'environnement. Et l'action avec les enfants est essentielle. Là où l'Education Nationale devrait faire plus d'efforts, c'est dans la manière d'apprendre ; elle reste coincée à l'heure actuelle dans des contenus, alors que sa mission est d'apprendre à apprendre ... je suis un obsédé de l'esprit critique." Décider ou non de la dangerosité des pesticides apparait souvent comme un débat d'experts ; comment les simples citoyens peuvent-ils s'y retrouver ? "Ce n'est pas parce que les choses sont compliquées qu'il faut les simplifier à l'extrême ; il faut avoir une véritable culture du savoir, qui est la base de notre société ; il n'y a pas de démocratie sans un niveau de connaissance. " Angelo se dit optimiste, et pense que "grâce aux pressions associatives, un résultat est possible." Une seule association serait-elle un meilleur contre pouvoir, comme le suggère Corinne Lepage , ministre de l'environnement en 1995 et député au Parlement Européen depuis 2009, dans le film "Pesticides... Non merci !" ? "Avoir un parti unique, c'est assurément avoir du poids ; savoir jusqu'à quel point cela limite les débats... On peut avoir un parti unique, et à l'intérieur, des débats multiples... Quoi qu'il en soit, la dispersion est forcément une erreur."

LE PRIX DU COTON

Qui ne porte jamais de coton ? Voilà un textile banal, dont on commence tout juste à s'inquiéter du mode de production. Que ce soit aux U.S.A., en Afrique, en Inde, en Chine, en Indonésie, en Turquie... Il croît copieusement arrosé de fongicides, insecticides, pesticides, fertilisants chimiques, et défoliants avant récolte, sans compter une phénoménale quantité d'eau. "Il s'agit d'une monoculture qui nécessite une trentaine de traitements par récolte, et 25m3 d'eau par kilo de coton", explique Angelo. "Or ces traitements chimiques sont extrêmement nocifs pour les cultivateurs qui les utilisent, créant parmi eux  d'innombrables décès, ou les transformant en malades chroniques."

Eric Chauvière crée la société Ejeo Textile en 2007 ; une entreprise qui ne fabrique que des tissus à partir de coton biologique. "Les agriculteurs utilisent la rotation des cultures, précise-t-il ; "ils pratiquent le désherbage à la main, ne se servent que de fumures organiques et de traitements naturels contre les insectes ; la défoliation est naturelle." Eric travaille avec la Turquie, et également avec la Grèce pour la transformation du coton. "J'essaie toujours de limiter les transports. Certes, mes prix manquent de compétitivité avec ceux du coton conventionnel venant d'Inde ou de Chine." Mais ses textiles sont toujours confectionnés avec une fibre de coton peigné, qui leur confère une grande résistance à l'usure, ainsi qu'une douceur particulière au toucher.

 

CHEZ SOI, UN REFUGE LPO

moineau
moineau

Comment favoriser chez soi la présence de la faune commune sauvage . "Elle se fait rare", note Gilles Viricel, ornithologue responsable du groupe LPO SainteBaume. "9/10ème des hirondelles de fenêtre qui s'installent souvent au coeur des villages sous les génoises, ont disparu depuis le début du siècle, en grande partie avec la perte de leur habitat.
l faut conserver des cavités dans les murs, des cachettes, des fissures, pour les martinets noirs et les tarentes ; laisser une ouverture dans les vieux bâtiments pour que l'hirondelle rustique vienne y faire son nid ; et penser que l'on peut installer des nichoirs... Essayer de conserver à son jardin un petit côté sauvage : les friches sont le lieu de prédilection des insectes, et fournissent des graminées aux oiseaux. Haies et buissons leur offriront le gîte et le couvert.Un tas de bois abritera coléoptères, lézards vert, orvets, couleuvres, hérissons, crapauds, et une mare avec des plantes aquatiques attirera libellules, amphibiens et oiseaux."

hibou moyen duc
hibou moyen duc

 

Bien sûr, pas de produit chimique pour ce petit paradis où l'on pourra trouver dans le potager des plantes mellifères comme la sauge ou le sureau.

Faut-il nourrir les oiseaux l'hiver ? "S'il neige, assurément, principalement avec des graines de tournesol et de la graisse végétale. On aura ainsi le plaisir de voir à la mangeoire le verdier d'Europe, le pinson des arbres, la sittelle torchepot, le chardonneret, l'accenteur mouchet ou le grosbec casse-noyaux. Chaque créateur de refuge LPO s'engage à respecter une charte comprenant quelques principes simples."

 

LPO Pays Sainte Baume