LE LOUP

Sainte Baume (83)

Canis Lupus est revenu

les monts d'Agnis
les monts d'Agnis

Dans le massif de la Sainte Baume, Canis Lupus est revenu. Certes, depuis quelque temps, on disait l'avoir aperçu dans les environs de Mazaugues. Qui dans la lueur de ses phares un soir, ou qui lors d'une battue au sanglier... On en riait. Mais en février 2009, il a laissé des traces. Non pas des traces de pattes, difficiles à différencier de celles d'un chien, mais des crottes ; 6 crottes au dessus du cirque des monts d'Agnis. Après analyse de l'A.D.N. en laboratoire, le diagnostic est formel : ce sont bien les excréments d'un loup, et plus précisémment d'un mâle.

LE LOUP D'ITALIE

Il s'agit bien de "notre" loup, comme l'a expliqué Philippe Orsini, conservateur du Museum d'Histoire Naturelle de Toulon et du Var, lors d'une conférence organisée par "Mazaugues Passion" et la Fédération Départementale des chasseurs à Mazaugues, fin octobre 2009. Notre loup gris ou loup d'Italie, qui pèse de 25 à 30 kgs, un "intermédiaire" entre le petit loup d'Arabie d'environ 15 kgs, et le loup blanc du grand nord canadien, qui peut atteindre 60 kgs. "Après l'homme, le loup est l'espèce qui avait la plus large répartition mondiale". Les loups vivent en meute, chaque meute comprenant un couple reproducteur, quelques adultes, et les jeunes de l'année. "Le loup est sexuellement mature à 22 mois. La femelle n'a qu'une portée par an, et la gestation dure 2 mois. Les petits naissent dans une tanière. Leurs premières sorties se déroulent sur un "site de rendez-vous" ; un endroit isolé où les adultes leur apportent la nourriture."

L'HOMME ET LE LOUP

Philippe Orsini
Philippe Orsini

A la fin du paléolithique, bien avant d'autres animaux, l'homme domestique le loup, en le prenant tout petit, à la tanière. "On peut penser que certains louveteaux ont été allaités par des femmes... Aujourd'hui, 10 000 ans plus tard, toutes les races de chiens connues au monde, du Saint Bernard au yorkshire, descendent du loup." Mais tandis que le chien, ce loup apprivoisé, devient le meilleur ami de l'homme, l'animal sauvage, lui, concrétise peu à peu toutes ses peurs et ses haines. Cela commence au néolithique avec la sédentarisation et l'élevage.Puis superstitions et religions s'en mêlent. Le loup-garou, cet homme qui se métamorphose en loup à la pleine lune, affolant la population, fait l'objet de multiples légendes. "Les chrétiens, quant à eux, répandent l'image du "bon pasteur protégeant son troupeau", sous-entendu "contre le loup". Au 18ème siècle en Lozère, les attaques de la Bête du Gévaudan, jamais vraiment identifiée, font 63 morts et attisent un peu plus encore la frayeur et la violence ; était-ce un loup ?
Enfin les loups, atteints de la rage, et dont la morsure était mortelle, sèment la terreur. Et nous savons tous que dans les contes, ces histoires que l'on raconte le soir pour endormir les enfants, le rôle du méchant est bien souvent tenu par le loup...Le loup, l'animal à abattre !

DISPARITION DU LOUP

" A la fin de la Révolution, on compte 14000 loups en France. 300 à 450 en région P.A.C.A., et 80 à 120 dans le Var. Les moyens servant à tuer le loup vont considérablement évoluer, que ce soient les armes, les pièges ou les poisons comme l'aconit-tue-loup, et surtout la strychnine, un extrait de la noix vomique particulièrement toxique." Les forêts de la région disparaissent, le bois étant abondamment utilisé pour la cuisine ; et avec elles, la faune sauvage. Les troupeaux, par contre, se multiplient... Le loup est alors déclaré "nuisible", et des primes sont offertes à qui l'abattra : 12F en 1807, 100F en 1882, soit le quart du salaire annuel d'un berger ! Le loup disparait vers 1920.

LE RETOUR DU LOUP

Le croirait-on ? L'ère industrielle, qui a entrainé la désertification des campagnes, a favorisé le retour du loup. Exode rural, diminution considérable des surfaces cultivées, extension de la forêt, réapparition du grand gibier : toutes les conditions étaient réunies pour le retour de cet animal mythique qu'est le loup, d'autant qu'il est protégé depuis l'arrêté du 10 octobre 1996."Il était protégé officiellement en Italie depuis 1973. C'est en 1991 qu'on le repère pour la première fois dans le Mercantour. On recense actuellement en France 19 meutes, soit 73 à 80 loups, et quelques loups errants. On les trouve principalement dans le sud-est, mais aussi dans le Massif Central et les Pyrénées." Le loup de Mazaugues n'est-il qu'un loup égaré, un loup de passage? Sa présence laisse-t-elle présager une installation stable du loup en Basse Provence ? D'autres crottes sont en cours d'analyse...